Erst Heinkel
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Erst Heinkel
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L'ÉPOPÉE DE HEINKEL Du biplan de chasse au premier jet de l'histoire, les établissements Heinkel ont produit une large gamme d'appareils, dont le plus célèbre demeure le bombardier He-111 de la Luftwaffe Alors que certains constructeurs aéronautiques se sont fait une réputation avec la réalisation de certaines catégories d'avions, la société Heinkel, loin de se spécialiser, a développé de 1923 à 1945, une grande variété d'appareils de tous modèles, allant des chasseurs aux bombardiers lourds, en passant par les hydravions, les avions d'entraînement et de raid, et les transports civils. Le premier appareil à réaction et le premier appareil propulsé par fusée à voler dans le monde ont été des Heinkel, nom qui évoque également l'un des avions allemands les plus célèbres de la Seconde Guerre mondiale : le Heinkel 111.
Comme cela fut le cas pour plusieurs grands constructeurs, le nom de cette société est lié à celui de son créateur, qui, par ailleurs, sut s'entourer d'une équipe d'ingénieurs de grande classe. Né en 1888, Ernst Heinkel commença à construire son premier avion en 1910, alors qu'il était encore étudiant. Gravement blessé dans un accident lors des premiers vols, il décida, faute de moyens financiers suffisants, de réaliser des avions pour le compte d'autres constructeurs. Après avoir fait ses premières armes dans plusieurs sociétés, il devint ingénieur en chef à la Hansa Brandenburgische Flugzeugwerke, où, de 1914 à 1918, il développa une trentaine de modèles d'avions et d'hydravions militaires pour l'Allemagne et l'Autriche. En 1922, il créait sa propre société, la Ernst Heinkel Flugzeugwerke AG, à Travemünde, sur la mer Baltique. Ne pouvant être ouvertement construits en Allemagne en raison des clauses du traité de Versailles interdisant la fabrication d'aéronefs, les appareils étudiés par Heinkel étaient alors produits la plupart du temps à l'étranger, essentiellement en Suède par la Svenska Aero AB. La firme entretint également d'excellentes relations avec le Japon, qui lui acheta un certain nombre d'avions de série ainsi que des licences de fabrication. Des avions et des hydravions biplans Heinkel étant partisan du monoplan (ce qui était alors une nouveauté technique et permettait d'accroître les performances en vitesse), c'est selon ce principe qu'il construisit son premier appareil, l'hydravion à flotteurs He-1, pour la marine suédoise. Soucieux de satisfaire ses clients, il dut néanmoins conserver longtemps la formule du biplan. Bon nombre de ses appareils étaient, il est vrai, destinés à l'entraînement et exigeaient donc robustesse et maniabilité. Une de leurs caractéristiques principales résidait dans le fait qu'ils pouvaient être transformés en hydravions par simple adjonction de flotteurs. En matière d'hydravions, Heinkel s'orienta rapidement vers les appareils embarqués catapultables. Dès 1923, il réalisa les premiers exemplaires du type He-26 à ailes repliables, embarqués sur le cuirassé japonais Nagato. En 1929, il inaugura le catapultage d'un hydravion postal à partir du paquebot Bremen, avec le He-12 D-1717 New York, équipé d'un moteur Hornet de 500 ch, qui rallia New York en 45 mn de vol, soit cinq heures avant l'arrivée du navire, avec 11 000 lettres dans ses soutes. La catapulte, du modèle K 2, était elle-même fabriquée par Heinkel, qui, plus tard, réalisa les grandes catapultes destinées aux hydravions long-courriers Blohm und Voss. Le He-55, lui, était un hydravion à coque biplan catapultable équipé d'un Siemens de 600 ch, dont quarante exemplaires furent achetés par l'U.R.S.S.
La société développa également différents modèles d'entraînement, qui furent d'abord construits en Suède, puis, à dater de 1931, en Allemagne, dans le cadre de la reconstruction clandestine de la Luftwaffe; ils furent également exportés. Ce fut d'abord le He-45, robuste biplan équipé d'un BMW-VI de 750 ch et doté d'un équipement militaire, dont 512 exemplaires furent construits par Focke-Wulf, Bayerische Flugzeugwerke et Gotha. Le He-46, également biplan, qui lui succéda. était équipé d'un Bristol Jupiter de 450 ch et fut produit sous licence par Siemens. Développé en 1931 comme avion de coopération et de reconnaissance tactique biplace, il inaugura la formule d'une aile supérieure de grande surface et en légère flèche. L'aile inférieure, d'une envergure plus faible, fut supprimée par la suite, car elle gênait la visibilité de l'observateur vers le bas, et, en contrepartie, on agrandit l'envergure de l'aile supérieure. Les performances de l'appareil étant néanmoins jugées insuffisantes, on le dota d'un moteur plus puissant, d'abord un Siemens SAM 322 B de 650 ch, puis un Bramo 322 B, qui équipa la plupart des appareils de série. Le He-46 fut commandé en grande quantité par le ministère de l'Air (RLM), ce qui obligea Heinkel à sous-traiter la fabrication des 478 exemplaires qui furent produits. Siebel, MIAG, Gothaer Waggonfabrik et Fieseler se chargèrent de 278 machines, les 200 autres étant réalisées par Heinkel. Les modèles destinés à la Luftwaffe étaient des He-46.C-1, équipés d'une caméra Zeiss, fixée en pod sous le fuselage, ou de vingt bombes de 10 kg, ainsi que les E-1, E-2, et E-3. En raison des fortes vibrations du moteur (SAM 228), ces appareils étaient pour la plupart dépourvus de capots-moteurs. Ceux-ci furent montés normalement sur les exemplaires destinés à l'exportation (Bulgarie, Hongrie), dont les moteurs étaient des AS Panther ou des GR 14 K. A la veille de la guerre, le He-46 équipa dix-huit Staffeln de reconnaissance rapprochée de la Luftwaffe. Remplacé au début du conflit par le Henschel 126, il fut reversé dans les écoles de pilotage. Chose étonnante, il retrouva une seconde jeunesse en 1943, sur le front de l'Est, où, entièrement peint en noir, il opéra contre les lignes soviétiques en missions de harcèlement de nuit.
Également employé pour la reconnaissance ou l'entraînement, le He-50 avait été conçu à l'origine comme bombardier en piqué pour la marine japonaise. Construit en 1931, cet appareil, dont la structure avait été renforcée en vue de cet emploi particulier, n'eut pas de suite sous cette forme. Les Japonais ayant jugé ses performances insuffisantes (malgré l'augmentation de la puissance du moteur, passée de 380 à 600 ch) et en ayant acquis la licence de fabrication, l'utilisèrent comme appareil de reconnaissance équipé de flotteurs. En Allemagne, malgré des essais poussés au centre de Rechlin, il ne déboucha que sur une petite série commandée par le RLM. C'est alors que Heinkel proposa le He-66, une version évoluée du He-50, destinée à la reconnaissance et propulsée par un Siemens Jupiter de 490 ch. Douze exemplaires furent achetés en 1934 par les Chinois, qui les transformèrent et les utilisèrent comme chasseurs, avant de commander des He-50, qui furent mis au standard des He-66. Engagés dans la guerre contre le Japon, ces appareils se trouvèrent en face... d'autres He-50, ceux-là équipés de flotteurs et construits sous licence par Aichi. Du He-51, premier chasseur de la Luftwaffe, à l'hydravion de sauvetage He-59 En dépit des interdictions du traité de Versailles, Heinkel se lança dès le début des années trente dans l'étude d'un chasseur. Il s'agissait en fait du deuxième appareil de cette catégorie, le premier étant le He-38, réalisé en 1928 pour l'exportation, et qui, sous forme de prototype non armé, avait battu en 1929 un record de vitesse sur 100 km à 257 km/h. Le He-49, qui lui succéda en 1932, plus grand et équipé d'un moteur BMW-VI de 750 ch, fut le premier appareil d'interception à être mis en ligne par la nouvelle Luftwaffe. Trois prototypes furent réalisés en 1933 (le deuxième était aménagé en hydravion à flotteurs), et les performances enregistrées lors des essais conduisirent le RLM à commander une série importante sous la désignation He-51.
Suivant une présérie de neuf appareils (qui reçurent ostensiblement des immatriculations civiles), les avions de série (He-51.A-0) furent livrés à partir de juillet 1934 au Jagdgeschwader 1 de la Luftwaffe (le célèbre « cirque Richthofen »), puis équipèrent progressivement les autres unités. Le modèle A-1, produit à soixante-quinze exemplaires à partir de l'été 1935 et construit sous licence par Arado, Fieseler, Ago et ERLA, fut suivi du He-51.B, légèrement modifié. Quant aux trente-huit exemplaires de la sous-version B-2, transformés en hydravions à flotteurs catapultables, ils étaient destinés à être embarqués sur les croiseurs Nürnberg et Kôln de la Kriegsmarine, pour effectuer des missions de reconnaissance. Leur caractéristique principale résidait dans le fait que leurs flotteurs étaient convertibles en réservoires supplémentaires. Les He-51 furent largement utilisés pendant la guerre d'Espagne, non seulement par la Legion Condor, mais aussi par l'aviation nationaliste. Cependant, avec la mise en service par les républicains de chasseurs plus modernes, comme le Polikarpov 1-16, ils se trouvèrent nettement surclassés et furent affectés à des missions d'appui tactique, dans lesquelles ils excellèrent. Modifié pour pouvoir emporter quatre bombes de 50 kg sous les ailes, en plus de ses deux mitrailleuses MG-17 de 7,92 mm, et redésigné 1-1e-51.D, le He-51 fit la preuve de son efficacité dans les attaques de convois de matériels et de troupes. C'est à ce nouveau rôle que furent également affectés, en Allemagne, les He-51 de la Luftwaffe, après l'apparition des Bf-109, des chasseurs d'une classe nettement supérieure. De 1937 à 1939, les He-51 servirent à parfaire la mise au point de l'aviation d'assaut, qui allait donner toute sa mesure dès le début de la Seconde Guerre mondiale. A cette époque, ils furent versés dans les Staffeln d'entraînement, qui les utilisèrent jusqu'en 1943, date à laquelle la Luftwaffe les employa, comme les He-46, à des missions de harcèlement de nuit sur le front de l'Est.
C'est aussi au début des années trente que fut développé le plus gros appareil réalisé jusque-là par Heinkel : le He-59, dont la carrière devait être aussi longue que diversifiée. Ce gros biplan de 9 t en charge, équipé de deux BMW-VI de 660 ch, avait été conçu pour des missions de torpillage et de reconnaissance alors que la Luftwaffe était encore dans la clandestinité. Étudié par l'ingénieur Mewes, seul le prototype fut construit par Heinkel, les appareils de série devant être produits en sous-traitance par la société Walter Bachmann, ainsi que par Arado et Fieseler. Bien que ce premier prototype (il vola au mois de septembre 1931) fût un appareil terrestre, c'est la version hydravion à flotteurs qui fut retenue et produite en série à partir de 1932. Après une présérie de quatorze He-59.A destinés à l'évaluation, une première série de seize He-59.B fut construite, dont la sous-version B-1 possédait un poste de mitrailleur ouvert à l'air libre (comme d'ailleurs le poste de pilotage) dans la pointe avant. Avec le B-2 apparurent des postes de tir supplémentaires sur le dos du fuselage et sous le ventre, pour la défense inférieure. Le nez était construit non plus en bois, mais en matériaux métalliques et comportait un panneau vitré pour le bombardier. Le carburant était contenu dans les flotteurs, d'une capacité totale de 2 700 litres. Le He-59.Bfut utilisé en opérations dans la Legion Condor vet la fin de 1936 comme bombardier de nuit contre k ports républicains. A cette occasion, ses pilotes inau gurèrent une méthode d'attaque en vol plané, k moteurs étant mis au ralenti pendant l'approche, qu devenait ainsi parfaitement silencieuse.
Les B-3 de reconnaissance lointaine, délestés d'un partie de leur armement et équipés de réservoirs sur plémentaires de fuselage, furent suivis du He-59.C-1 conçu pour la reconnaissance et l'entraînement, ave un nez plus arrondi et dépourvu d'armement, pui du C-2, également non armé, modifié pour le sauvetag en mer avec un équipement radio renforcé et six canot pneumatiques. Plusieurs autres versions destinées l'entraînement à la navigation (He-59.D et N) et a torpillage (He-59.E) furent encore réalisées avant qu la production fût arrêtée, en 1938. Malgré une conception et des performances dépassées (vitesse maximale : 220 km/h), et une silhouette quelque peu « rétro », le He-59 se distingua à plusieurs reprises pendant la Seconde Guerre mondiale. Ce sont des appareils de ce type qui larguèrent, de nuit, les premières mines magnétiques dans l'estuaire de la Tamise pendant les derniers mois de 1939, et qui furent chargés de surveiller la navigation des pays neutres en mer du Nord et dans la Baltique. En mai 1940, douze He-59, chargés chacun de dix hommes armés, effectuèrent un amerrissage surprise à proximité des ponts de Rotterdam, qui purent ainsi être pris rapidement. Ce gros biplan excella comme hydravion de sauvetage pendant la bataille d'Angleterre. Peint en blanc et portant de grandes croix rouges, il repêcha des dizaines d'aviateurs allemands abattus dans la Manche. Il dut reprendre son camouflage vert foncé et ses mitrailleuses pour se défendre contre les chasseurs de la RAF, lorsqu'il fut établi qu'il communiquait des renseignements par radio aux groupes de bombardiers. Ce n'est qu'en 1943, après plus de dix ans de bons et loyaux services, que le He-59 fut supplanté par le Dornier Do-24, de conception plus moderne.
Étudié, comme le He-59, par Reinhold Mewes, le He-60, dont le prototype vola en 1933, était pratiquement une extrapolation en monomoteur de son prédécesseur. Destiné à des missions de reconnaissance, il donna naissance à une version équipée pour être catapultée à partir des croiseurs de la Kriegsmarine (He-60.C), mais utilisée surtout à partir des bases aéronavales allemandes. Bien que sa construction un peu lourde ne lui eût pas permis d'obtenir les performances souhaitées, c'était un bon appareil, sûr et robuste, qui fut finalement construit à 200 exemplaires, en coopération avec Weser et Arado. Équipement standard des Küstenfliegergruppen (Groupes de reconnaissance côtière) en 1936, le He-60 fut utilisé ultérieurement pour l'entraînement, ce jusqu'en 1943. Les avions signés Günter Un important changement intervint au début des années trente dans la conception des avions Heinkel avec l'entrée des frères Günter au bureau d'études de la firme. Siegfried et Walter Günter se complétaient admirablement, l'un pour concevoir, l'autre pour matérialiser graphiquement les formes des avions rapides dans lesquels ils s'étaient spécialisés. De leur travail commun allait naître toute une lignée d'appareils remarquables, désormais monoplans, caractérisés par des formes elliptiques dont l'élégance tranchait avec les silhouettes des avions Heinkel des années vingt. Le premier appareil qui porta véritablement leur signature fut le He-64, étudié en vue de battre le record de vitesse du Tour de l'Europe en 1932. Cet avion de record était un monoplan biplace d'une remarquable finesse de formes, puisqu'elle permettait d'atteindre des vitesses de l'ordre de 240 km/h avec un moteur Argus AS 8 R de 150 ch seulement. Le fuselage en bois, d'un fini très poussé, se prolongeait par une dérive et un empennage horizontal de forme elliptique. Le poste de pilotage et le second poste, installés en tandem, étaient recouverts d'une longue verrière. L'aile, de formule basse, qui devint elliptique sur le modèle D, était dotée de volets d'atterrissage Handley Page permettant de poser l'appareil à des vitesses très faibles, de l'ordre de 60 km/h. Plusieurs moteurs furent adaptés sur les versions successives (Argus, Gipsy III, Hirth), et le He-64 surnommé Roter Teufel (« Diable rouge ») se rendit célèbre en battant le record de vitesse du Tour de l'Europe en août 1932, ayant couvert 7 456 km en trois jours (au lieu de six précédemment). Le 1er décembre suivant, le He-70 Blitz, un appareil de transport rapide, qui allait également faire parler de lui, effectuait son premier vol. Commandé pour équiper les lignes commerciales de la Lufthansa et pour concurrencer l'avion américain Lockheed « Orion », qui était de conception très avancée, le Blitz fut étudié par les Günter avec un soin particulier : lignes évoluées du He-64, revêtement de fuselage d'une haute finition, raccordement aile-fuselage de forme galbée. Le train d'atterrissage, caréné dans une première étude, fut finalement rendu escamotable, une nouveauté importante pour l'époque.
L'adoption du moteur BMW-VI de 637 ch refroidi au glycol permit d'utiliser un radiateur de petites dimensions, ce qui réduisait la traînée. Lors des essais, entrepris fin 1932, l'appareil atteignit 377 km/h, vitesse supérieure de plus de 100 km/h à celle de l'Orion. En mars et avril 1933, le second prototype du He-70 battait une série de records internationaux, dont le record de vitesse sur 100 km avec charge de 1 t, qu'il porta à 357 km/h aux mains du Flugkapitan Untucht, de la Lufthansa. Cette compagnie commença à mettre le Blitz en service dans sa première version de série (He-70.A) le 15 juin 1934, sur les principales lignes du réseau intérieur. Berlin pouvait être relié à Hambourg en 50 mn avec un équipage de deux hommes et quatre passagers, installés, il est vrai, dans une cabine particulièrement étroite. Le He-70 fit l'objet de plusieurs versions de série pour le transport de passagers (He-70.G à moteur BMW-VII de 750 ch) ou pour les liaisons rapides de la Luftwaffe (D-0). Un prototype fut acheté par Rolls-Royce pour servir de banc d'essai volant à son moteur Kestrel, un propulseur qui affinait encore les lignes du Blitz, mais dont le ministère de l'Air britannique refusa de vendre la licence au Reich. Au total, vingt-huit He-70 furent réalisés à des fins de transport civil ou militaire. Mais le plus grand nombre d'appareils fut construit pour la Luftwaffe, qui reçut quelque 295 machines aménagées en avions de combat.
Une version équipée d'un moteur Gnome-Rhône 14 K de 910 ch et dénommée He-170 fut construite sous licence par la Hongrie à une vingtaine d'exemplaires. Toutefois, son rayon d'action limité et une protection insuffisante contre l'incendie lui interdirent (comme au He-70 d'ailleurs) de participer aux opérations de guerre dès 1940. Les He-170 furent donc affectés aux missions de liaison et d'entraînement. Exemplaire unique, le He-270, dernier de la famille, était équipé d'un moteur Daimler-Benz DB-601, lui permettant une vitesse de 460 km/h. Le nom de He-70 Blitz reste lié, par ailleurs, à l'accident qui coûta la vie au General Wever, chef d'état-major de la Luftwaffe, le 3 juin 1936, accident dont les conséquences allaient être incalculables pour l'aviation allemande. Le He-111, le plus célèbre des bombardiers allemands de la Seconde Guerre mondiale Le bimoteur He-111, inspiré du Blitz, est sans doute l'avion le plus connu de Heinkel et fut l'un des bombardiers les plus utilisés par la Luftwaffe pendant la Seconde Guerre mondiale. C'est en 1934 que les Günter commencèrent à étudier une extrapolation du Blitz pour la Lufthansa, qui réclamait un bimoteur rapide pour le transport de passagers et de fret postal. La commande de la compagnie paraissant devoir être assez limitée, Heinkel décida de faire étudier parallèlement une version bombardier pouvant convenir à la Luftwaffe, alors en plein rééquipement, ce qui permettrait de mieux en amortir la fabrication. Le premier des deux prototypes sortis, le V-1, qui possédait des ailes et des empennages « à la Günter », était donc un bombardier équipé de deux BMW-VI de 660 ch et dont la pointe avant était vitrée. Le premier vol, effectué le 24 février 1935 par le pilote Gerhard Nitschke, révéla un appareil aux qualités remarquables, supérieures à celles du He-70, et qui ne devaient pas se démentir tout au long de sa carrière. Quelques semaines plus tard, le V-2, version civile, décollait à Marienehe, bientôt suivi du V-3, pratiquement identique. Le He-111 civil possédait une pointe avant métallique non vitrée, aménagée pour le fret postal, et un « salon-fumoir » pour quatre passagers prenait la place de la soute à bombes, avec, plus en arrière, une autre cabine pour six passagers. Le confort était à vrai dire restreint, les passagers étant sacrifiés aux performances. C'est le 10 janvier 1936 que le He-111 (en l'occurrence, le V-4 qui avait volé un mois avant) fut présenté à la presse internationale sur l'aérodrome de Tempelhof. Il s'agissait, au dire des officiels, d'un avion « postal » rapide la (vitesse atteinte aux essais 350 km/h frisait celle des chasseurs). Mais on se garda bien de préciser que le prototype de la version bombardier avait volé un an plus tôt et que la fabrication en série était lancée! Le He-111 ne devait pas avoir une carrière civile particulièrement longue, ni brillante. Dix appareils du modèle C-0 furent livrés à la Lufthansa, qui les utilisa sur ses lignes intérieures de 1937 à 1939, mais, les ayant trouvé trop onéreux, elle n'en commanda pas d'autres. Neuf appareils de présérie (He-111.G) lui furent également livrés, qui inauguraient une nouvelle aile à bord d'attaque rectiligne, mieux adaptée à la construction en grande série que l'aile elliptique, malgré l'efficacité aérodynamique de cette dernière. Mis à part quelques prototypes des versions civiles qui furent versés au Kommando Rowehl pour des missions photographiques spéciales, tous les He-111 de la Lufthansa furent remis à la Luftwaffe au début de la guerre pour servir d'avions de liaison.
Le vrai visage du bimoteur de Heinkel était et devait être militaire. Un second prototype de la version bombardier, le V-3, avait volé en 1935, et une présérie de dix appareils He-111.A-0 avait été lancée, de sorte que les premières livraisons purent être effectuées au printemps 1936. Ces appareils, qui avaient un nez plus largement vitré, possédaient un armement défensif composé de trois mitrailleuses MG-15 montées respectivement dans le nez, sur le dos du fuselage et sous le ventre de celui-ci, le mitrailleur inférieur étant installé dans une sorte de cuve ouverte à l'air libre vers l'arrière, et que l'on rétractait lors de l'atterrissage. Quant à la charge de bombes, elle était de 1 t environ. Mais le poids total de l'avion étant passé de 7,200 t à 8,200 t, les performances s'effondrèrent au point que la vitesse, tombée à 270 km/h en croisière, n'offrait plus une avance suffisante sur les appareils concurrents. Les He-111.A furent alors retirés du service et vendus à la Chine de Chang Kaï-chek. Simultanément, Heinkel lançait le He-111.B, équipé de moteurs plus puissants, des DB-600 de 1 000 ch, qui permirent de remonter la vitesse de croisière à 340 km/h pour un poids maximal porté à 8,600 t. Venant après une présérie de He-111.B-0, la version B-1 fut choisie par le RLM pour être construite en grande série à Marienehe ainsi que dans l'usine ultra-moderne d'Oranienburg (près de Berlin), alors en construction. Le poids total des He-111.B-1 s'élevait à 10,500 t. Malgré les problèmes d'échauffement que présentèrent leurs moteurs DB-600.0 de 800 ch, ils furent livrés dès la fin de 1936 aux escadres de combat (Kampfgeschwader), la première à les recevoir étant le KG-154 « Boelcke » (futur KG-27). Quelques mois plus tard, trente exemplaires équipaient deux Staffeln du KGr-88 de la Legion Condor, dont l'engagement en Espagne allait constituer le meilleur des bancs d'essai pour le nouveau bombardier. Lancés dans la bataille sur le front espagnol en mars 1937, le He-111 se comporta remarquablement au combat, et le haut commandement de la Luftwaffe jugea son armement tout à fait suffisant par rapport à celui des chasseurs qui lui étaient alors opposés. En opérations, le poste mitrailleur inférieur n'était abaissé qu'en cas d'attaque; le reste du temps, il était escamoté, ce qui permettait à l'appareil de conserver des performances élevées (pour l'époque) pendant la plus grande partie de sa mission. La version B-2 apparut en unité en mai 1937. Elle était équipée de moteurs DB-600.CG de 950 ch, sur lesquels le système de refroidissement avait été amélioré. Puis Heinkel décida d'adopter le modèle Ga de 950 ch, nettement plus performant que le DB-600 et doté d'un carénage très affiné (les petites prises d'air latérales avaient été supprimées au profit d'une entrée unique, plus profonde), ce qui permettait à l'appareil, poste inférieur sorti, de voler aussi vite que son prédécesseur poste escamoté, soit à 370 km/h.
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suite...
Cette version He-111.D commençait à peine à sortir que les DB-600 furent réclamés d'urgence pour les chasseurs; Heinkel fut donc prié de continuer à produire ses He-111 avec des moteurs Jumo 211. Le He-111.E, qui résulta de cette adaptation, ressemblait comme un frère à son prédécesseur, les capotages des nouveaux moteurs étant semblables. Toutefois, les radiateurs étaient semi-rétractables, ce qui permettait de gagner quelques kilomètres à l'heure. En outre, avec le Jumo 211 (1 010 ch), la vitesse de croisière passait à 381 km/h. La charge de bombes (1,700 t) fut portée à 2 t sur le E-1, qui équipa les Kampfgeschwader au début de 1938. Une trentaine de He-111.E vinrent également relayer les avions du type B-1 sur le front d'Espagne.
Vers la même époque apparut le He-111.F, qui différait des versions précédentes tant par son aile à bord d'attaque rectiligne, héritée de la version civile (le prototype du bombardier équipé de la nouvelle voilure avait d'ailleurs volé dès 1936, mais la priorité donnée à la production de série avait retardé l'application de cette modification), que par son moteur plus puissant (J umo 211 de 1 100 ch). Cette nouvelle version ne fut produite qu'à soixante-quatre exemplaires (quarante pour la Luftwaffe et vingt-quatre pour la Turquie).
Changement de silhouette
En 1938, les livraisons de Daimler-Benz s'étant stabilisées, Heinkel put de nouveau rééquiper ses avions de DB-600.CG et sortit 90 He-111.J-1 supplémentaires, modifiés à l'origine en bombardiers torpilleurs. Si l'on compte ces appareils, la Luftwaffe disposait au 19 septembre de 570 He-111, dont 272 type B, 171 type E, 39 type F et 88 type J.
C'est au début de la même année que vola le prototype V-8, qui, profondément remanié, allait donner au He-111 sa silhouette caractéristique des « années quarante ». Pour des raisons de visibilité et d'aérodynamique, la partie avant fut redessinée afin d'intégrer le poste de pilotage dans le nez, désormais entièrement vitré et légèrement « tordu » vers la droite afin de dégager au maximum la vue du pilote, qui se trouvait à gauche.
En outre, le poste du mitrailleur dorsal était désormais protégé par une verrière, et le poste inférieur était entièrement fermé, son occupant se trouvant non plus assis dans une « cuve » mais allongé sur un matelas. Les moteurs DB-601 étant alors disponibles, ce furent eux qui équipèrent les nouveaux He-111.P, qui allaient être produits par les usines Heinkel jusqu'à mai 1939 en plusieurs sous-versions : P-2, P-3, P-4, P-6. Ces modèles sortirent en grande série dans les premiers mois de la guerre, puisque 349 appareils furent livrés à la Luftwaffe.
Plus puissant que le He-111.E, le He-111.P présentait pourtant des performances moindres, en raison de son poids : la masse totale du P-4 était supérieure de 3 t à celle du E-3. Cet alourdissement était dû essentiellement à la pose de blindages et au renforcement de l'armement défensif après les premiers combats de Pologne (adjonction d'une seconde mitrailleuse de nez, de deux armes supplémentaires dans les sabords latéraux et même d'une autre dans la queue, d'où l'obligation d'emporter un mitrailleur supplémentaire).
L'emport de bombes lourdes sous le fuselage permettait de remplacer la soute normale par des réservoirs de carburant et d'améliorer le rayon d'action. Mais, avec le chargement complet de bombes, la vitesse maximale tombait à 394 km/h et la vitesse de croisière passait de 370 à 310 km/h. La série He-111.P fut relativement limitée; elle fut relayée dès le milieu de 1939 par la série H, qui, avec de nombreuses sous-versions, devait être de très loin la plus importante, et dont la production allait se poursuivre jusqu'à l'arrêt des chaînes en 1944.
Pour des raisons de disponibilité, c'est encore le Jumo 211 qui fut adopté, ce qui permit, en outre, de standardiser la production de ce propulseur, qui équipait également les Ju-88. Quand la guerre éclata, en septembre 1939, le modèle H-1, ne différant du P-2 que par ses moteurs, était presque entièrement livré. Les Kampfgeschwader recevaient également le H-2, équipé de Jumo 211 A-3 de 1 100 ch et doté de l'armement renforcé du P-4.
En novembre apparut le H-3, plus spécialisé dans les opérations maritimes, avec un canon de 20 mm tirant vers l'avant de la gondole inférieure et un équipage pouvant aller jusqu'à six hommes. Le H-4, qui commença à être livré au début de 1941, était caractérisé par ses moteurs de 1 200 ch et son système de lancement de bombes modifié. La partie droite de la soute était renforcée par une plaque métallique épaisse supportant les lance-bombes, qui pouvaient recevoir soit deux grosses bombes de 1 t, soit une seule de 1,800 t pour objectifs importants et à courte distance.
Le H-5, lui, emportait tout son carburant dans la soute, et la charge de bombes, montée à l'extérieur, s'élevait à 2,500 t. Avec un poids de 14 t, l'appareil ne pouvait servir que pour des missions à courte distance et en utilisant des accélérateurs de décollage à fusée si le terrain était trop petit.
Présent sur tous les fronts, de Varsovie à Londres et du cap Nord à Stalingrad
Au début des hostilités, plus de 800 He-1 11 étaient en service (dont 700 disponibles), essentiellement des modèles P et H : 349 He-111.P (295 disponibles) et 400 He-111.H (358 disponibles). Lors de la brève guerre de Pologne, cinq unités furent engagées contre les villes et les aérodromes : les KG-1, 26 et 27 et le LG-1 dans le secteur nord, le KG-4 dans le sud. Les résultats furent généralement favorables, mais les pertes relativement élevées démontrèrent néanmoins qu'il fallait renforcer l'armement défensif, ce qui fut fait au cours de l'hiver 1939-1940, soit sur les terrains, soit en usine.
en haut, le He-111.V-8, premier prototype de série P, résultait d'une modification du He-111.8-0. Cet appareil fut le premier à recevoir le nouveau poste de pilotage vitré fondu dans le fuselage qui fut adopté sur tous les modèles suivants. |
Dès octobre 1939, le KG-26 se spécialisa dans l'attaque d'objectifs maritimes à partir des bases de l'île de Sylt et en liaison avec les Ju-88 du KG-30. Au printemps suivant, il fut engagé en Scandinavie avec le KG-4 et le KGr-100, leurs objectifs étant les aérodromes norvégiens (une importante formation de He-111 du KG-26 participa au combat livré par la Luftwaffe contre des navires anglais et français au large de Bergen, endommageant plusieurs croiseurs et destroyers).
Un mois plus tard, la force de 1 120 bombardiers chargée d'assurer l'appui aérien des troupes de la Wehrmacht lors de l'offensive lancée contre les Pays-Bas, la Belgique et la France était encore constituée pour moitié de Heinkel. Sept Kampfgeschwader en étaient entièrement équipés, quatre autres partiellement, de même que plusieurs Staffeln de reconnaissance. La chasse française parvint à en abattre plusieurs dizaines. Le 3 juin 1940, trois Staffeln de He-111 participaient au bombardement de la région parisienne, dont le KG-54, responsable du raid meurtrier du 14 mai précédent sur Rotterdam.
Bien qu'en voie d'être remplacés par les Ju-88, les He-111 prirent également une large part à la bataille d'Angleterre. En étaient entièrement équipés les KG-26, 27, 53 et 55, plus le célèbre KGr-100. Les très lourdes pertes enregistrées par ces unités en août et en septembre amenèrent les chefs de la Luftwaffe à les retirer des opérations de jour. C'est donc de nuit qu'elles furent utilisées pendant le Blitz, avec les formations de Do-17 et de Ju-88, souvent guidées par des He-111 du KGr-100 (basé à Vannes) et du KG-26, montés par des équipages spécialisés. Ces Geschwader inaugurèrent de nouveaux systèmes de guidage radio, comme le X-Gerât, qui fut utilisé par le KGr-100 lors du bombardement de Coventry.
Tandis que les He-111 du KG-4 emportaient sous leurs ailes les mines magnétiques LMB de 1 t, qu'ils larguaient par milliers dans les estuaires, certains appareils du modèle H-8 reçurent un équipement spécial destiné à couper les câbles des ballons de barrage, à savoir un immense arceau de métal, muni d'une lame tranchante, reliant l'extrémité du nez à celles des deux ailes. Expérience qui se révéla décevante et qui donna pourtant naissance plus tard, sur la version H-10, à un système de coupe-câbles intégré aux ailes et à la pointe avant.
Malgré les résultats insuffisants obtenus en Grande-Bretagne, du point de vue tant des performances (vitesse et rayon d'action) que de celui de la défense contre les chasseurs de la RAF, le He-111 continua à combattre sur tous les fronts. Si en 1941 il enregistra de sérieuses pertes dans la lutte contre la navigation dans la Manche, sous la direction du Fliegerführer Atlantik, il se montra beaucoup plus efficace en 1942, lorsque, transformé en avion torpilleur, il s'en prit aux convois alliés en Méditerranée et surtout dans l'Atlantique.
C'est ainsi que le convoi PQ-17, en route pour Mourmansk, fut presque entièrement détruit par ces appareils coopérant avec les bombardiers Ju-88. La version H-6 utilisée à cette occasion, qui possédait l'armement renforcé du P-2 et du P-3, comportait un canon de 20 mm dans le nez et, dans certains cas, un lance-grenades dans le cône de queue.
Pendant la campagne de Russie, les He-111 équipaient encore trois Kampfgeschwader; ils exécutèrent un grand nombre de raids contre les aérodromes, les centres industriels et les voies de communication. Par la suite, progressivement remplacés par les Ju-88, ils furent affectés au remorquage de planeurs et surtout au transport de troupes, en l'absence d'un nombre suffisant d'appareils spécialisés, comme le Ju-52. C'est principalement à l'occasion du pont aérien de Stalingrad que cet emploi se généralisa.
La production du He-111, qui devait s'arrêter en 1942, au profit d'appareils plus performants (He-177 et bombardier B) dut être poursuivie pour pallier l'échec de ces programmes. Il en résulta toute une série de versions, qui furent construites jusqu'en 1944.
L'armement et le blindage furent encore accrus sur la version H-11, qui comportait une coupole supérieure renforcée et entièrement fermée, ainsi que des mitrailleuses doubles sous le ventre et sur les flancs. Le H-16 (moteurs Jumo 211.F de 1 350 ch), qui fut construit à un grand nombre d'exemplaires, avait son poste de tir dorsal muni d'une tourelle électrique, mais pouvait également servir de « pathfinder » ou remorquer des planeurs. Le H-20 existait en versions bombardier de nuit, transport de troupes ou remorqueur.
Plusieurs modèles furent également construits pour le lancement d'engins spéciaux. C'est ainsi que le H-12 servit à l'entraînement des équipages au lancement des bombes planantes Hs-293, et que le H-22 fut utilisé par les KG-3 et 53 pour emporter un V-1, accroché sous une des ailes. De nombreux tirs contre Londres et les villes du sud de l'Angleterre furent ainsi exécutés à partir des Pays-Bas durant les derniers mois de 1944, dans des conditions particulièrement périlleuses.
Le dernier des He-111 fut le H-23, le plus puissant de la série. Propulsés par des Jumo 213 de 1 776 ch, ces appareils étaient destinés au transport de commandos, mais la plupart d'entre eux furent reconvertis en bombardiers. Avec le H-23 se termina la production de ce bimoteur qui fut un temps le fer de lance des unités de bombardement de la Luftwaffe. Au total, 7 300 appareils de tous types furent construits, dont 1 399 en 1939, 827 en 1940, 1 337 en 1942, 1 408 en 1943 et 714 en 1944.
Dans ces chiffres sont compris les extraordinaires He-111.Z, dont une douzaine furent construits en 1941 et 1942. Destiné au remorquage des planeurs géants Me-321, le He-111.Z était formé de deux cellules de H-6 et de H-16 réunies par une aile commune sur laquelle était monté un cinquième moteur. Muni de réservoirs supplémentaires sous le fuselage, il avait une autonomie suffisante, mais sa vitesse de remorquage ne dépassait pas 200 km/h, et son développement fut abandonné.
En dehors de l'Allemagne, le He-111 fut utilisé en opérations par les armées de l'air roumaine et hongroise (qui l'employèrent sur le front de l'Est à partir de 1942), mais surtout par les forces aériennes espagnoles qui reçurent 236 appareils du type H-16 produits sous licence par la CASA, sous la désignation CASA 2.111, à partir de 1942. (Après la guerre, en raison du manque de rechanges des moteurs Jumo, ils furent dotés de Rolls-Royce Merlin et redésignés CASA 2.111B.)
Les chasseurs Heinkel : du He-112 au He-100
Quand, après les événements de 1933, le RLM lança son premier programme de chasseur, Heinkel fut l'un des quatre constructeurs à proposer un projet. Le He-112, conçu par Günter, était un monoplace aux lignes racées, avec une voilure (inspirée de celle du He-70) incurvée vers le bas, près de l'emplanture, ce qui permettait de raccourcir le train d'atterrissage. Il était équipé d'un moteur Rolls-Royce Kestrel de 695 ch, qui lui donnait une vitesse de l'ordre de 480 km/h.
Le prototype V-1 prit l'air pour la première fois en septembre 1935 et fut évalué peu après à Travemünde, pour essais comparatifs avec ses concurrents : l'Arado Ar-80, le Focke-Wulf Fw-159 et surtout le Messerschmitt Bf-109. Malgré ses performances jugées supérieures à celles du Bf-I 09, sauf en vitesse maximale, c'est ce dernier qui fut sélectionné pour devenir le chasseur standard de la Luftwaffe, Heinkel jouissant, semble-t-il, de la faveur du RLM plutôt dans le domaine des bombardiers.
Par précaution, il décida néanmoins de poursuivre le développement de l'appareil. Deux autres prototypes furent donc construits en 1935, équipés d'une aile de plus faible envergure et d'un moteur « made in Germany », un Jumo 210.0 de 680 ch. Le V-3 différait de ses prédécesseurs par ses deux mitrailleuses MG-17 de capot et son cockpit fermé. Ne décrochant toujours pas de commandes de la Luftwaffe, Heinkel finit par obtenir l'accord d'Udet pour développer des versions d'exportation.
Plusieurs autres prototypes furent alors lancés, dont le V-8, équipé d'un DB-600 de 1 000 ch, et le V-6, dont la verrière « en goutte d'eau » devint classique sur les chasseurs alliés au cours de la guerre. Quant au V-9, il fut encore plus profondément remanié, avec une envergure encore plus réduite et un empennage modifié, ce qui permit de gagner du poids et de doter l'appareil d'un armement plus puissant (deux canons de 20 mm dans les ailes). Dix-sept exemplaires (type B-0) furent vendus à l'Espagne, douze au Japon et vingt-quatre à la Roumanie (type B-1). Plusieurs He-112 servirent en outre aux essais des premiers moteurs-fusées de la société, ce dont il sera question plus loin.
Loin d'être découragé par l'échec du He-112, Heinkel décida de faire étudier un nouveau chasseur mettant en oeuvre les techniques les plus sophistiquées et susceptible de surclasser les appareils existants. Le He-100, fruit de ces études, ne pouvant disposer que d'un moteur à peine plus puissant que celui du He-112, les ingénieurs Günter et Schwarzler décidèrent de jouer à fond la carte de l'aérodynamisme et d'utiliser le système de refroidissement par les surfaces, qui consistait à faire circuler l'eau vaporisée du moteur dans des tuyauteries placées dans les ailes. Ce système permettait de supprimer le radiateur et de dessiner un capot aux formes parfaitement pures. En outre, la structure fut simplifiée afin d'en faciliter la fabrication en grande série. Le V-I vola le 22 janvier 1938, bientôt suivi de deux autres prototypes à empennages modifiés.
Le V-2, doté d'un cockpit réduit et présentant un fini de surfaces exceptionnel devait, aux mains du General Udet en personne, pulvériser le record du monde de vitesse sur 100 km en circuit fermé à 630 km/h. Un autre prototype (V-8) à cockpit encore plus affiné et, surtout, équipé d'un moteur spécialement « gonflé » à 1 800 ch, fut mis en ligne en mars 1939 et, piloté par Dieterle, porta le record de vitesse absolu à 746 km/h. Ces résultats remarquables ne convainquirent encore pas le RLM, qui déclara que le He-100, conçu pour le record, était trop chargé au mètre carré et ne pouvait, en outre, emporter d'armement lourd. Désigné officiellement Bf-109, afin de démontrer à l'étranger qu'il s'agissait du chasseur de série, le prototype Bf-209. dont le moteur était également « gonflé », portait le record à 755 km/h. Heinkel, qui, en plus des dix' prototypes, avait lancé une série de quinze appareils, réussit à vendre six prototypes à l'U.R.S.S. et trois avions de présérie au Japon. Quant aux douze autres appareils de présérie (désignés He-113), ils furent peints aux couleurs de Jagdgeschwader fantaisistes et abondamment photographiés de nuit, prêts au décollage, par les services de propagande du Dr. Goebbels. Pendant les trois premières années de la guerre, les Alliés crurent ainsi que la Luftwaffe disposait d'escadrilles de redoutables chasseurs de nuit, prêts à entrer en action. Premiers avions à fusée et à réaction : le He-176 et le He-178 Von Braun suggéra à Heinkel de faire un essai avec des He-112 propulsés par fusée. Un moteur-fusée à liquides fut fixé dans le fuselage, le réservoir à oxygène liquide et le réservoir à alcool étant placés de part et d'autre du siège du pilote. Les premières mises à feu commencèrent au début de 1936, d'abord sans pilote, puis avec le pilote d'essai Warsitz dans le cockpit. Après une longue mise au point, un autre He-112 fut modifié pour effectuer les essais en vol. Les deux appareils explosèrent avant d'avoir décollé, épargnant par miracle le pilote. Peu après, Warsitz reprit les commandes d'un troisième He-112, qui, en mars 1937, effectua les premiers vols sur fusée, après avoir décollé sur moteur classique, la mise à feu s'effectuant en altitude. Lors du premier essai, extrêmement brutal, la vitesse passa de 300 km/h à 400 km/h en une seconde environ; la fumée envahit la cabine et la température monta rapidement. Warsitz, qui ne pouvait évacuer l'appareil, car il se trouvait à trop basse altitude, parvint à poser sur le ventre le He-112, qui prit feu aussitôt. Mais le premier vol d'un avion propulsé par fusée avait été réalisé. Les essais se poursuivirent, et, au cours de l'été 1937, Warsitz réussit à décoller pour la première fois sur le moteur-fusée, sans utiliser le moteur à pistons.
Puis un nouveau propulseur fut adopté, fonctionnant à l'oxygène et au méthanol et dégageant de la fumée au lieu d'un panache de flammes comme le faisait le premier moteur. L'utilisation simultanée des deux modes de propulsion développait une puissance considérable, et l'appareil décollait presque à la verticale. Ce dernier moteur-fusée, mis au point par l'ingénieur Walter, intéressa le RLM, lequel l'utilisa finalement pour le décollage assisté des bombardiers en surcharge, après essais sur le He-111. Heinkel décida de développer autour de ce mode de propulsion un avion susceptible d'atteindre des vitesses approchant les 1 000 km/h. De très petite taille, le nouveau prototype, le He-176, présentait une envergure de 4 m pour une surface alaire de 5 m2. Sa cabine, très étroite et largement vitrée, contenait le siège du pilote, installé dans une position inclinée vers l'arrière. Les essais ayant laissé penser que celui-ci ne pouvait évacuer l'appareil en cas de danger, c'est la cabine entière qui pouvait se détacher. Durant sa chute, freinée par un parachute, le pilote sautait à son tour et ouvrait son propre parachute. Ce procédé très rudimentaire fut amélioré après la guerre sur plusieurs prototypes, notamment en France (sur le Leduc et sur le Trident I). Pour des raisons de sécurité, les essais du He-176, équipé d'un propulseur-fusée R-1 de poussée variable (45 kg à 500 kg), furent effectués à la station expérimentale de Peenemünde, que von Braun avait également choisie pour les essais de ses V-2. C'est le 20 juin 1939, deux mois avant la guerre, que le premier vol eut lieu, dans le plus grand secret. Cet événement, pourtant si important dans l'histoire de l'aéronautique, n'eut pas de suite à court terme, ni Udet ni Goering ne voyant d'application militaire à un avion aussi révolutionnaire. Hitler lui-même, qui assista à l'une des présentations, ne fut pas davantage intéressé. Le projet fut abandonné au début de la guerre, après que l'appareil eut atteint 850 km/h. Un second prototype, équipé d'un moteur plus puissant et prévu pour voler à 1 000 km/h, fut également abandonné. Parallèlement aux avions-fusées, Heinkel s'orientait vers les appareils propulsés par réaction, à la suite des travaux effectués à partir de 1934 par les ingénieurs von Ohain et Hahn, de l'université de Gôttingen. Entrés chez Heinkel en 1936, ces derniers développèrent le premier moteur à réaction à compresseur centrifuge, le He-S.3, qu'ils avaient conçu pour un appareil expérimental étudié pour le recevoir. Les premiers essais du He-S.3 eurent lieu tout d'abord (et toujours dans le plus grand secret) avec un He-118, dont le train d'atterrissage assez haut permettait de fixer le nouveau moteur sous le fuselage, puis de le démarrer en vol. De son côté, l'avion expérimental, désigné He-178, étudié par Günter et Schwarzler était construit à Marienehe.
Présentant des dimensions légèrement supérieures à celles du He-176, le He-178 avait un nez modifié pour recevoir l'entrée d'air du réacteur, laquelle se prolongeait sous le siège du pilote pour alimenter le He-S.3, qui développait quelque 500 kgp. C'est encore Warsitz qui fut désigné pour effectuer ce qui allait être le premier vol au monde d'un avion à réaction, événement qui ne fut révélé à l'étranger qu'après la guerre. Exécuté dans de bonnes conditions, ce vol, d'une durée de 6 mn, eut lieu à Rostock-Marienehe le 27 août 1939. Les hostilités ralentirent les travaux de mise au point, et c'est seulement le 28 octobre que des chefs de la Luftwaffe vinrent assister à une démonstration en vol. Seuls Milch et Udet étaient présents, mais l'intérêt du prototype sembla leur échapper, leur politique étant alors de construire en série les avions classiques dont ils disposaient, pour une guerre présumée courte. En outre, le programme, lancé sur une initiative personnelle de Heinkel, n'était pas vu d'un très bon oeil par le RLM. Tout ce qu'Udet trouva à dire au pilote Warsitz fut : « Avec cet engin-là, vous ne devez pas avoir froid aux fesses! ». Comme le premier avion-fusée, le premier avion à réaction de Heinkel ne dépassa pas le stade du prototype ni les 600 km/h, bien que le constructeur eût prouvé qu'on pouvait en extrapoler un appareil de chasse. Un second prototype, possédant une aile plus allongée et commencé à la fin de 1939, ne fut pas achevé. Les deux avions restèrent dans leur hangar de Rostock, où ils furent détruits par un bombardement. Avant le Me-262, le chasseur à réaction He-280 volait Au cours de l'étude du He- 1 78, le développement des idées du bureau d'études sur les réacteurs avaient conduit Heinkel à considérer favorablement un appareil dont la propulsion serait assurée par deux réacteurs placés sous les ailes, ce qui leur permettrait d'être alimentés en air de manière plus directe que par une longue manche traversant le fuselage. L'appareil sur lequel cette idée fut appliquée fut le chasseur He-280, dont les études — commencées en monoréacteur furent entreprises en juin 1939. L'appareil avait une silhouette très fine, avec un empennage bidérive. Ce fut aussi le premier avion allemand équipé d'un train d'atterrissage tricycle, les jets des réacteurs restant ainsi parallèles au sol pendant le décollage. Il était pourvu d'un siège éjectable Heinkel, le premier à être monté sur un avion. Les réacteurs n'étant pas prêts, le constructeur décida de commencer les essais en vol sans propulseur, afin d'évaluer les qualités aérodynamiques de la cellule. Quelques vols furent ainsi effectués avec le He-280 remorqué par un bombardier He-1 11, un autre He-111 testant en vol le réacteur du nouvel appareil. Heinkel avait alors mis en place d'importantes installations pour l'étude et les essais de ses propulseurs à réaction. Un groupe d'ingénieurs avait été chargé du développement du He-S.8, de 700 kgp, d'un diamètre inférieur à celui du modèle précédent. Une autre équipe se penchait sur un modèle à compresseur axial de section nettement plus faible, le He-S.30, de 800 kgp, en vue de le comparer avec le centrifuge. Mais de nombreuses difficultés avec le RLM retardèrent les essais, et c'est finalement le 2 avril 1941 que le He-280 fit ses premiers vols, quinze jours avant le décollage du premier avion à réaction anglais, le Gloster E-28/39. Peu après, lors d'un simulacre de combat aérien qui l'opposa à un Fw-190, dernier-né des chasseurs de la Luftwaffe, le He-280 se montra nettement supérieur à son « adversaire » quant à la maniabilité (il effectuait quatre virages pendant que le Fw-190 en exécutait trois). Sept autres prototypes du He-280 furent construits au cours des mois suivants. Trois d'entre eux furent essayés avec le réacteur Jumo 004, qui devait, plus tard, propulser le Me-262, deux autres volèrent avec un empennage papillon. Après la mort d'Udet (qui avait enfin compris l'intérêt de la propulsion à réaction et favorisé les travaux de Heinkel), le RLM, non sans tergiversations, finit par retenir le Me-262, et la fabrication du He-280 ne fut pas lancée. |
Re: Erst Heinkel
Le Heinkel He-112 répondait au premier programme lancé en 1933 par le RLM, pour équiper la jeune Luftwaffe de son premier monoplan de chasse moderne. le He-112.V-9, prototype de série B, vola au cours de l'été 1937 équipé d'un moteur Jumo 210. Ea de 680 ch et de deux canons de voilure de 20 mm. Treize exemplaires furent livrés à la Luftwaffe pour évaluation en 1938. |
De l'avion de transport civil He-116 à l'hydravion torpilleur He-115
Pendant les trois ans qui précédèrent la guerre, le bureau d'études de Heinkel élabora, indépendamment des appareils expérimentaux, quatre modèles d'aéronefs très différents, bien que portant tous la marque des Günter : les He-I16, 118, 119 et 115.
Le quadrimoteur He-116, probablement l'un des avions de transport civil les plus élégants qui aient été construits à cette époque, répondait à un programme de 1936 de la Lufthansa, réclamant un appareil de transport destiné à ses lignes d'Extrême-Orient et de l'Atlantique Sud. Les seuls moteurs civils disponibles étant des Hirth de 270 ch, la structure du fuselage fut construite avec des matériaux légers, et l'aile fut réalisée en bois.
Le prototype, qui vola en 1938, fut suivi de huit appareils He-116.A-0. Deux d'entre eux furent acquis par le Japon; trois furent évalués par la Lufthansa. Un sixième (le A-03 Rostock) fut modifié pour battre le record international de distance : doté de moteurs plus économiques, de réservoirs agrandis, d'une aile allongée et de fusées de décollage, il tint l'air plus de quarante-huit heures, parcourant 10 000 km à la vitesse moyenne de 215 km/h, le 30 juillet 1938.
Deux autres furent aménagés en appareils militaires de reconnaissance à grande distance. Suivit une petite série de six He-116.B de reconnaissance, qui furent utilisés pendant la guerre par la Luftwaffe. Mais ces avions ne disposant d'aucun armement défensif, ils ne purent franchir les frontières du Reich et des territoires occupés, et mettre à profit leurs vastes possibilités.
Le He-118, quant à lui, était un monomoteur répondant à un programme de bombardement en piqué de 1936, établi par le RLM sur proposition d'Ernst Udet, fervent partisan de cette formule. La firme, qui avait déjà étudié un tel appareil en 1931 (He-50), reprit ses travaux sur un nouveau prototype entièrement revu et « peaufiné » par les Günter. 11 vola en juin 1937, propulsé par un Kestrel de 850 ch.
Quatre trains d'atterrissage et cinq moteurs pour le surprenant He-111.Z-1 « Zwilling », né en 1941 de l'accouplement de deux He-111.H-16. La formule, destinée à l'origine au remorquage de planeurs lourds, fut employée en opérations sur le front de l'Est par le l/LLG-1, le l/LLG-2 et le KG-200. |
De lignes plus élégantes que ses concurrents, de conception plus moderne aussi (il possédait un train escamotable), ce monoplan était un appareil robuste dont les performances étaient compatibles avec les impératifs du programme. Cependant, lors de la présentation officielle à Rechlin, son pilote, Heinrich, n'effectua pas son simulacre d'attaque sous un angle aussi accentué que le pilote de Junkers, qui faisait piquer son Ju-87 presque à la verticale, de façon très spectaculaire. Cette prestation n'alla pas sans influer sur le choix du RLM, qui émit un avis défavorable sur le He-118.
Il fut confirmé dans son opinion quand Udet voulut essayer l'appareil en personne avant de prendre une décision définitive : un problème d'hélice ayant rendu l'avion ingouvernable au cours d'un piqué, il dut l'abandonner en vol et sauter en parachute! Quatre autres prototypes furent néanmoins construits, ainsi qu'une petite série de huit appareils équipés de DB-600 de 1 000 ch (He-118.A-0), dont plusieurs furent vendus au Japon, les autres servant de bancs d'essai pour les nouveaux propulseurs.
En 1936, le bureau d'études avait également commencé à développer le He-1 19, un étonnant bombardier bimoteur rapide qui, s'il avait été suivi, aurait pu devenir un redoutable « Mosquito allemand ». L'extrême finesse de lignes de cet appareil résultait du fait que le moteur (DB-606) était noyé dans le fuselage. Lui-même composé de deux DB-601 de I 675 ch, ce propulseur était situé en arrière du poste de pilotage.
Celui-ci, entièrement vitré et formant le nez de l'avion (comme sur le He-111), était traversé de bout en bout par l'arbre de transmission, qui aboutissait à une hélice unique de 5 m de diamètre. Quatre prototypes furent réalisés, dont l'un fut préparé pour battre le record du monde de vitesse, record qu'il arracha le 22 novembre 1937 à la moyenne de 508 km/h en circuit fermé avec charge de I t. Par mesure de sécurité, il fut annoncé que ce record avait été battu par le He-606, désignation du moteur de l'appareil.
Un modèle modifié en hydravion fut ensuite construit, qui, malgré quelques problèmes de refroidissement du moteur, intéressa un moment la Luftwaffe, comme la version terrestre d'ailleurs. Mais, du fait de son prix de revient élevé, la formule n'eut pas de suite. En revanche, le moteur double, adopté sur le bombardier lourd He-117, allait être responsable d'un des plus graves échecs de la Luftwaffe pendant la guerre.
Dernier hydravion à flotteurs de la société à être conçu comme tel dès l'origine, le He-115 était destiné à remplacer les vieux He-59 biplans des Küstenfliegerstaffeln de la Kriegsmarine. Sur le plan de l'esthétique, ce bimoteur monoplan portait encore une fois la marque des Günter. Faisaient exception l'empennage, de forme plus angulaire, le cockpit en saillie et le nez vitré aux lignes plus anguleuses que celles du He-111, dont l'avion reprenait, par contre, le dessin des ailes.
Le premier prototype, qui vola en 1936 avec des BMW-132.K de 960 ch, pesait environ 10 t en charge. Son cockpit était prolongé par une longue verrière, dont la partie arrière abritait un poste mitrailleur équipé d'une MG-15 de 7,92 mm, de même que le poste avant. Comme beaucoup d'avions Heinkel, le He-115 fut modifié pour la vitesse (adoption d'un nez mieux profilé et non vitré). Durant la seule année 1938, il devait battre huit records sur 1 000 km et 2 000 km avec charge à la moyenne de 330 km/h.
Entre-temps, Heinkel avait fait voler deux autres prototypes, le V-3 étant doté d'un nez mieux profilé que celui du V-1. Le V-4 adoptait un assemblage de mâts renforcés pour les flotteurs, rappelant ceux du He-119. Une présérie de dix He-115.A-0 fut construite en 1937, suivie, en 1938, de trente-quatre appareils de série type He-115.A- 1 conçus pour le torpillage. Sous la désignation A-2, six d'entre eux furent commandés par la Norvège, à qui ils furent livrés à partir de l'automne 1939.
Engagés contre les Allemands lorsque ceux-ci attaquèrent la Norvège en avril 1940, ces appareils furent ensuite pris en compte par la RAF. Après avoir été modifiés par le Marine Aircraft Experimental Establishment (MAEE), plusieurs d'entre eux furent transférés en Méditerranée et utilisés pour le transport d'agents spéciaux en Afrique du Nord.
Le Heinkel He-100.B.V3 était en 1937 le plus fin et le plus rapide des intercepteurs allemands. Le RLM lui préféra pourtant le Messerschmitt Bf-109. Douze He-100.D de présérie, désignés He-113, servirent avant la guerre d'avions de propagande dans des unités fictives de chasse de nuit. |
La première version de série importante destinée à la Kriegsmarine fut le He-115.A-3, mais le B-1 fut construit en plus grand nombre. Caractérisé par la capacité accrue de ses réservoirs, qui lui donnait une autonomie de 3 350 km, pesant 10,300 t (contre 9,300 t pour le A-0), l'appareil pouvait emporter en plus de la charge normale de 500 kg de bombes, des mines magnétiques LMA ou LM B. Le He-115.B-2 se distinguait de son prédécesseur par la partie inférieure de ses flotteurs, renforcée et modifiée pour pouvoir décoller sur la neige ou sur la glace.
Après avoir construit cinquante-deux He-115.B-1 et B-2, Heinkel commença à livrer, en 1940 et 1941, une version He-115.C, dotée d'un armement renforcé (un canon de 20 mm monté sous le nez et deux mitrailleuses MG-17 fixes dans l'emplanture des ailes) et spécialisée dans le transport de mines ou dans le torpillage. Pour faire face aux besoins croissants de la Luftwaffe en appareils terrestres, la production du He-I 15 fut mise en sommeil après 1941 ; toutefois, 141 exemplaires d'une version désignée He-115.E, à armement renforcé, furent construits en 1943-1944.
Au total, près de cinq cents He-115 sortirent des chaînes pendant la guerre. Très robustes, ils furent utilisés pour des missions des plus variées (reconnaissance photographique, bombardement horizontal ou en semi-piqué, largage de mines, torpillage); équipant plusieurs Küstenfliegergruppen qui n'avaient pas été transformés sur Ju-88, ils eurent leur heure de célébrité lors des attaques, au large de la Norvège, de convois en route pour Mourmansk, coopérant à cette occasion avec les He-111 qui avaient été construits dans la même usine.
Le drame du bombardier stratégique : le He-177 et ses moteurs couplés
Contrairement à la plupart des productions de Heinkel, le He-177 — qui fut non seulement le plus grand appareil construit par la firme, mais encore le seul bombardier lourd développé et mis en service par les Allemands pendant la guerre — connut de graves problèmes techniques. Son histoire dramatique reflète les lourdes erreurs de l'état-major de la Luftwaffe.
Destiné à la reconnaissance maritime à grande distance, cet appareil (dont les dimensions étaient comparables à celles du Consolidated « Liberator ») avait été étudié, après l'annulation, en 1936, du programme de bombardiers lourds établi sur l'initiative du General Wever. Prévu pour atteindre des performances très élevées vitesse maximale de 500 km/h, charge de bombes de 2 t sur 1 600 km ou de I t sur 3 000 km, autonomie de 6 000 km, cet appareil aurait pu être une machine redoutable aux mains de pilotes expérimentés.
Mais il fut lourdement handicapé dès ses débuts par les exigences du RLM, qui demanda à Heinkel de l'adapter au bombardement en piqué. Siegfried Günter, qui était chargé de l'étude, sous la direction de l'ingénieur Hertel, directeur technique depuis 1934, envisageait de l'équiper de deux moteurs de 2 000 ch, surpuissants pour l'époque, ce qui aurait résolu certains problèmes liés au vol en piqué. Mais de tels moteurs n'étant pas encore au point, il imagina d'utiliser deux DB-606, formés chacun de deux DB-601 de 1 200 ch, placés côte à côte dans le même fuseau et actionnant, par l'intermédiaire d'un énorme réducteur, une hélice de 4,50 m de diamètre.
Un équipage du II/KG-40, retour de mission, sur la base de Bordeaux-Mérignac dans les derniers mois de l'année 1943. Équipés de bombes planantes Henschel Hs-293, les Heinkel He-177.A-5 attaquèrent avec peu de succès les convois alliés transitant entre l'Afrique et la Grande-Bretagne. |
Le He- 1 77 alliait donc la puissance d'un quadrimoteur à la silhouette d'un bimoteur (avec tous les avantages que présentait cette formule du point de vue aérodynamique) et pouvait voler sur deux ou sur quatre moteurs, selon les besoins de ses missions. Afin d'en améliorer encore la finesse, l'ingénieur Hertel avait pensé le doter du système de refroidissement par évaporation mis au point sur le He-100; mais, le refroidissement étant insuffisant, on dut revenir à des radiateurs de type classique, « à la Ju-88 », plus lourds et moins aérodynamiques. Il s'ensuivit une réduction des performances, que l'on dut compenser par des réservoirs supplémentaires, un renforcement de la structure de l'aile, puis du train d'atterrissage. La structure fut de nouveau renforcée pour résister aux accélérations dues aux vols en piqué.
Ces modifications s'avérèrent insuffisantes pour u appareil de ces dimensions, et le He-177 ne put jamais être utilisé opérationnellement en piqué, les esse entrepris avec les prototypes ayant abouti à de graves accidents de rupture. Dès le vol initial du premi prototype V-I (le 19 novembre 1939), qui témoigi des qualités indéniables de la machine, les moteu montrèrent une nette propension à chauffer. L'appare qui devait s'écraser au cours d'essais ultérieurs, furent suivi de huit autres prototypes dont quatre devaie subir le même sort, soit par rupture en vol au cou de piqués, soit par incendie des moteurs, soit p rupture d'hélice.
En novembre 1941, après deux a d'essais, fut lancée une présérie de trente-cinq appare (A-0), dont onze furent encore détruits à la suite problèmes de moteurs. Devant cette hécatombe, RLM décida d'arrêter la production et demanda d'innombrables modifications. Celles-ci ne purent être toutes effectuées, l'Admiral Doenitz et le Fliegerführeur Atlantik réclamant à cor et à cri que l'appareil fût rr en service pour l'attaque des navires alliés. Heink sortit une première série de 130 He-177.A-1, qui furer en fait, employés pour l'entraînement et pour d essais divers.
La première version à être utilisée opérations fut le A-3, dont 170 exemplaires environ furent construits, et qui fut affectée non au bombe dement mais à des missions de transport de troup sur le front de l'Est, pour tenter de ravitailler, pi. d'évacuer Stalingrad. Les He-177 subirent de lourd pertes du fait de la chasse et de la défense antiaérien soviétiques, mais aussi de leurs moteurs qui prenaie feu en vol... quand ils réussissaient à démarrer p des températures de — 30 °C. Certains appareils fure équipés d'un canon de 50 mm monté sous le cockpit et lancés à l'assaut des chars soviétiques, mais ces m sions, très coûteuses, furent rapidement interrompues
Au printemps de 1943, après avoir subi un entraînement spécial pour le lancement des bombes planantes Henschel Hs-293, les He-177 survivants, renforcés de nouveaux appareils du type A-5 furent affectés au KG-40, basé à Bordeaux-Mérignac et spécialisé dans l'attaque des convois. Le He-177.A-5, qui fut le modèle le plus construit (plus de 800 appareils), possédait une structure renforcée, un blindage plus épais et était équipé de deux DB-610 (formés chacun de deux DB-605) de 2 900 ch chacun.
Son poids passait de 17 t à vide à 30 t en pleine charge (soit l'équivalent du Lancaster) et sa distance franchissable atteignait théoriquement 3 600 km, ce qui lui permettait d'effectuer des missions à grandes distances dans l'Atlantique. L'appareil pouvait emporter, sous le fuselage et sous les ailes, jusqu'à trois bombes planantes Hs-293, conçues pour l'attaque des navires de commerce.
Le Heinkel He-274.V-1 (désignation française AAS-01), en cours d'essais sur le terrain d'Orléans-Bricy au printemps 1946. Ce super-bombardier », destiné à attaquer New-York, ne quitta jamais le ciel français, et les deux exemplaires construits servirent de bancs d'essai volants aux programmes français les plus ambitieux de l'après-guerre. |
Propulsés par un moteur-fusée et munis d'une voilure, ces engins étaient guidés par radio et dirigés à vue vers l'objectif. Les bombes Fritz FX, blindées mais non propulsées, étaient destinées à l'attaque des navires de guerre. En outre, le He-177.A-5 pouvait emporter sous la voilure des torpilles L-50. L'armement défensif, particulièrement puissant, comportait une mitrailleuse et un canon de 20 mm dans le nez, deux mitrailleuses (en version chasse) sous le poste de pilotage, deux mitrailleuses télécommandées et un autre canon de 20 mm en tourelle sur le dos du fuselage et un canon en tourelle de queue.
Les principales opérations effectuées au sein du II/KG-40 eurent lieu à partir de novembre 1943, quelques mois après l'entrée en scène des Do-2I 7 du KG-100. C'est à cette époque que vingt appareils porteurs de Hs-293 lancèrent une attaque contre un convoi reliant l'Afrique à la Grande-Bretagne. Les résultats furent décevants en raison du mauvais temps et de l'imprécision de tir des premiers Hs-293, et trois appareils furent perdus. A la fin du même mois, un autre raid mené en Méditerranée (au large de Bougie) coûta très cher au II/KG-40, dont quatre He-177 furent abattus en mer, tandis que trois autres s'écrasaient sur le chemin du retour (l'un d'eux percuta à l'atterrissage un hangar de la SNCASO).
A la fin de 1943, 50 % des appareils dont disposait le Gruppe avaient été détruits, et seuls sept He-177 étaient encore en service. La défense antiaérienne des convois devenant de plus en plus efficace, il fut décidé de n'effectuer désormais que des missions de nuit, les bombardiers étant alors précédés d'avions éclaireurs, qui balisaient les objectifs à l'aide de fusées éclairantes. Du fait de problèmes de coordination entre les formations, ces missions ne se soldèrent que rarement par des succès.
Les He-177 du II/KG-40 furent encore utilisés en Méditerranée, en liaison avec les Do-217 du KG-100, lors du débarquement des Anglo-Américains à Anzio ( janvier 1944), puis ils regagnèrent leur base de Bordeaux-Mérignac.
Quant au I/KG-40 et au I/KG-I00, également sur quadrimoteurs Heinkel, ils furent engagés dès le début de 1944 dans l'opération « Steinbock », qui consistait à reprendre les bombardements sur Londres, afin de dissuader les Alliés de débarquer sur le continent. Les deux Gruppen effectuèrent plusieurs raids de nuit sur la capitale britannique, larguant leurs bombes de 1 000 kg et de I 800 kg au terme d'une descente en semi-piqué qui leur permettait d'atteindre des vitesses proches de 700 km/h en partant d'une altitude de 6 000 m. Grâce à cette tactique, ces unités, qui opéraient à partir de Châteaudun et de Rheine (Allemagne), n'enregistrèrent que des pertes très réduites.
Lors du débarquement de Normandie, les He-177 du II/KG-40 décollèrent une fois de plus avec leurs bombes Henschel pour tenter de s'opposer aux forces navales alliées, mais ils n'obtinrent que des résultats médiocres : seuls cinq navires furent coulés en dix jours, les bombardiers, eux, ayant été sérieusement malmenés. Après avoir participé à des mouillages massifs de mines au large des ports normands, ils furent transférés en Norvège, afin de s'y opposer à toute autre tentative de débarquement.
A la même époque, les He-177 entraient également en service, au sein du KG-1, sur le front de l'Est, où ils furent affectés à l'attaque d'objectifs stratégiques. Volant à haute altitude, en formations qui pouvaient regrouper jusqu'à soixante-dix appareils, et larguant leurs bombes « en tapis », à la façon des Américains, ils obtinrent d'excellents résultats et n'enregistrèrent que de faibles pertes (les problèmes de moteurs avaient, enfin, été maîtrisés). Le KG-1 fut ensuite chargé de s'opposer au déferlement des blindés sur la partie centrale du front. Effectuées à basse altitude, ces missions étaient nettement plus dangereuses et furent aussi plus meurtrières.
A la fin de 1944, devant les difficultés d'approvisionnement en carburant (leur consommation était très élevée), les He-177 furent retirés du front et ramenés en Allemagne, où ils restèrent cloués au sol jusqu'à la fin de la guerre.
Une autre version du He-177 fut utilisée en un très petit nombre d'exemplaires : le He- I 77.A-7, caractérisé par une envergure accrue et des performances améliorées en altitude. Mais la modification la plus importante fut celle qui consista à convertir l'appareil en quadrimoteur classique à moteurs séparés. Réclamée dès 1940 par Heinkel, cette transformation fut réalisée en 1943 à la suite des essais et de la mise en service catastrophiques des premiers appareils à moteurs couplés.
Construit à plusieurs centaines d'exemplaires, le Heinkel He-162 « Volksjàger », premier jet de la Luftwaffe, ne fut jamais vraiment opérationnel. Ce rc chasseur populaire » possédait une voilure entièrement en bois et un réacteur BMW-109.003.E de 800 kgp lui permettant une vitesse maximale de 840 km/h, supérieure à celles de tous les chasseurs alliés conventionnels. |
Après une étude effectuée clandestinement sous le nom de He-177.B, un prototype (désigné officiellement He-277) fut construit, qui vola à Vienne fin 1943 et montra d'emblée d'excellentes qualités. Deux autres prototypes furent essayés, et, en mai 1944, Goering ordonna que l'appareil fut lancé en grande série à la cadence de 200 machin s par mois. Mais, devant les revers subis par la Luftwaffe à l'Ouest et l'intensification des bombardements alliés sur l'Allemagne, les programmes de bombardiers furent abandonnés au profit des chasseurs destinés à la défense du Reich. Le programme du He-277 n'alla donc pas au-delà de quelques appareils de présérie, qui volèrent juste avant la fin de la guerre.
Le quadrimoteur He-274 ne connut jamais le ciel allemand
Dès 1940, Heinkel songeait à réaliser un bombardier à très haute altitude dérivé du He-177. Les premières études portèrent sur un appareil identique au He-1 77.A-3, à cabine pressurisée et envergure accrue, désigné 177.A-14. Mais les performances exigées obli gèrent d'une part à redessiner l'aile et à l'allonger d'autre part à prévoir des turbocompresseurs pouf les moteurs. Mais les DB-606 couplés ne pouvant les recevoir, il fallut en arriver à un avion à moteur séparés.
Le nouveau projet, très différent du premier, fui désigné He-274, et la construction du prototype fui confiée à la société française Farman (SAUF), établi( à Suresnes, qui recevait ses directives du bureau d'études Heinkel de Vienne. Deux prototypes furent effectivement lancés, dont la construction ne commença qu'en 1943 et se poursuivit avec une « sage » lenteur... tandis qu'un réseau de résistance français transmettais régulièrement à Londres les informations concernant l'appareil! Long de 22,50 m, celui-ci présentait un air de famille avec le He-177, du moins en ce qui concernait sa partie avant, car il en différait considérablement par son empennage bidérive et surtout par son aile de très grande envergure (44,20 m), qui supportait les quatre moteurs séparés et un train d'atterrissage à diabolos.
Équipé finalement de DB-603.A-2 de 1 750 ch, il devait avoir des performances remarquables : plafond de 15 000 m (grâce aux turbocompresseurs Hirth) et autonomie de 4 250 km à 11 000 m, et même de 5 800 km au poids maximal de 38 t. Ces performances permettaient d'envisager un raid contre les États-Unis, l'appareil devant « se crasher » en mer à proximité d'un U-Boot chargé de recueillir l'équipage après le largage de ses bombes sur New-York...
Au moment de la libération de Paris, les Allemands ne purent qu'endommager le premier prototype, dont la construction venait juste de s'achever. Remis en état, non sans difficulté, il put voler le 30 décembre 1946, sous la désignation AAS-01, du nom des Ateliers aéronautiques de Suresnes (ex-SA U F), gérés eux-mêmes par la SNCASO. Les essais, confiés aux pilotes du CEV, témoignèrent de qualités de vol acceptables, malgré des problèmes au niveau de la stabilité latérale et de l'aile, à qui sa souplesse faisait prendre des dièdres inquiétants. L'essai de résistance de cette aile dut être effectué en vol par le capitaine Receveau, avec tous les risques inhérents à une telle opération, mais l'aile tint bon.
Le He-274.01, puis le He-274.02, qui vola en décembre 1947 furent utilisés comme avions porteurs pour l'appareil expérimental SO M-I , maquette volante non propulsée du biréacteur de bombardement SO-4000 développé par la SNCASO. Piloté par Jacques Guignard, le SO M-I fut largué, à dater de 1950, à partir d'altitudes de plus en plus élevées ( jusqu'à 10 000 m). Les vitesses toujours plus grandes ainsi atteintes en piqué permirent de mieux étudier les formes à adopter pour le futur bombardier. Les He-274 ne purent cependant pas accomplir les largages des prototypes Leduc, comme cela était prévu, en raison du manque de rechanges des DB-603, et ils terminèrent leur carrière en 1953.
Un Heinkel He-219 Uhu capturé et revêtu des cocardes britanniques, en cours d'évaluation au Royal Aircraft Establishment de Farnborough à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Le plus fin des chasseurs de nuit de la Luftwaffe affichait des performances et des qualités de vol comparables à celles du De Havilland « Mosquito >> de la RAF. Produit en série à partir de 1944 (il fut construit à 257 exemplaires), il n'eut le temps d'équiper que le NJG-1 et quelques Gruppen du NJG-5. |
Le plus rapide des chasseurs de nuit à hélices, le He-219
Le bombardier lourd n'était pas la seule « spécialité » de Heinkel, tant s'en faut. En 1940, ses services avaient étudié un projet de destroyer à hautes performances adaptable à des missions de bombardement ou de torpillage. S'il n'eut aucune suite dans l'immédiat, ce projet alors désigné P.1060 fut repris vers la fin de 1941, lorsqu'il apparut indispensable à la Luftwaffe de disposer d'un chasseur de nuit moderne, susceptible de relayer les Bf-110 et les Ju-88, qui avaient été eux-mêmes adaptés à ce genre de mission.
Le bureau d'études développa donc un nouvel appareil correspondant aux desiderata formulés par le chef de la chasse de nuit, le General Kammhuber. La construction du prototype fut beaucoup retardée par le transfert des installations à Vienne après la destruction des usines de Rostock. Quand il décolla pour la première fois le 15 novembre 1942, l'appareil révéla des qualités exceptionnelles, qui n'allaient pas se démentir par la suite. Le He-219 était un bimoteur aux lignes élégantes, dans la tradition desavions Heinkel.
Le fuselage, très étroit, se terminait par un empennage bidérive. La longue verrière abritant les deux homme d'équipage s'étendait jusqu'à l'extrême pointe avant assurant au pilote une visibilité exceptionnelle. Propuls par deux DB-603.A de 1 750 ch, qui lui permettaient d'atteindre des vitesses de l'ordre de 600 km/h, ce prototype était équipé d'un train d'atterrissage tricycle.
Il fut doté d'un armement très puissant, qui varie d'ailleurs au cours des essais et qui comprenait, sui le V-2, six canons MG-151 de 20 mm (quatre installé sous le fuselage, deux dans l'emplanture des ailes) Dans le nez était logé le radar, dont le modèle le plus récent, le FuG-202, fut monté sur le V-4. En mar 1943, l'appareil fut confronté avec la dernière versior du Ju-I88, un avion d'une maniabilité remarquable qui était piloté par von Lossberg.
Le He-219 s'étant montré plus rapide de 25 km/h et virant plus court que son concurrent, le RLM décida d'en lancer le fabrication en grande série à Vienne, à Rostock et à Milec et Buczin, en Pologne. Mais, avant la sortie de premiers avions de série, six autres prototypes avaien été livrés à une unité de chasse basée à Venlo, aux Pays-Bas, où des essais opérationnels furent aussitô entrepris. Dans la nuit du 11 au 12 juin 1943, le Majoi Streib, chef du I/NJG-1, un des as de la chasse de nuit réussit à abattre cinq bombardiers de la RAF, chiffre record en une seule sortie. Peu après, en six sorties, les He-219 abattirent vingt bombardiers anglais dont six Mosquito, appareils qui étaient jusqu'alors très difficiles à intercepter en raison de leur vitesse très élevée.
En juillet 1943, les premiers appareils de série He-219.A-0 commençèrent à apparaître sur le front, toujours armés de canons de 20 mm pour certains et de 30 mm pour d'autres. La première série importante fut ensuite le He-2 I 9.A-2, qui était équipé de moteurs DB-603.A de I 900 ch et qui reçut, en plus de son armement normal, deux canons M K-108 de 30 mm placés sur le dos du fuselage et pointés à 70° vers le haut. Cet armement redoutable, surnommé « Schrâge Musik » (Musique en biais), permettait au chasseur de se placer sous le bombardier ennemi, à la même vitesse que lui, et de le viser, en courant lui-même moins de risques, dans ses parties vives. Il avait été essayé début 1943 sur le prototype V-11.
Après l'étude de plusieurs variantes destinées au bombardement et à la reconnaissance, l'une des principales versions suivantes fut le He-219.A-5, dont l'arrière des fuseaux-moteurs était équipé de réservoirs de carburant permettant d'augmenter le rayon d'action de 640 km. L'une des sous-versions de ce modèle, le A-5/R4, reçut un troisième homme d'équipage, ce qui conduisit à augmenter les dimensions du cockpit, au détriment des performances.
La production du He-219 se poursuivit au cours de l'année 1944, au rythme de dix appareils par mois, au lieu des vingt-quatre prévus, en raison des difficultés d'approvisionnement et de l'opposition tenace du Feldmarschall Milch, qui cherchait à favoriser les productions de Junkers. L'ordre d'arrêt ne fut cependant pas exécuté et, après la prise en main du Jâgerstab (Commandement de la chasse) par Sperrle en juin 1944, les fabrications furent reprises.
Les dévastations que provoquaient les Mosquito conduisirent au développement d'une version spéciale, destinée à l'interception du bombardier De Havilland. Ce fut le He-219.A-6, entré en service en août 1944, équipé de quatre canons seulement, allégé de tout blindage et équipé de DB-603.L de I 980 ch, qui lui permettaient d'atteindre une vitesse de 650 km/h.
Une dernière version fut encore mise en service avant la fin de la guerre, le He-219.A-7, dont l'armement était particulièrement puissant sur certaines variantes : deux Mk-108 de 30 mm dans l'emplanture des ailes, deux Mk-108 et quatre MG-151 de 20 mm sous le ventre et deux Mk-108 en « Schrâge Musik ». Plusieurs types de moteurs furent également montés sur des cellules de He-219.A-7, notamment le plus puissant moteur allemand, le Jumo 222 de 2 500 ch, qui permettait au He-219.A-7/R6 d'atteindre des vitesses de l'ordre de 700 km/h.
Le He-219, qui, heureusement pour les Alliés, arriva tardivement en opérations, ne fut construit finalement qu'à 268 exemplaires, dont 195 furent livrés en 1944 et 62 en 1945. 11 équipa surtout le NJG-1, où il remplaça le Bf-110.G, ainsi que quelques rares autres Gruppen du NJG-5. Les grands as de la chasse de nuit enregistrèrent à son bord un nombre important de victoires : 55 pour Hans-Dieter Frank, 65 pour Manfred Maurer. De nombreuses versions développées par le bureau d'études de Heinkel ne purent aboutir en raison des événements.
L'extraordinaire programme du chasseur He-162 « Volksjâger »
C'est l'effondrement des armées allemandes de l'Ouest après le débarquement de juin 1944 qui fut à l'origine du programme Volksjâger, l'un des plus extraordinaires qui avaient jamais été réalisés sur le plan industriel. Afin d'enrayer les terribles bombardements du Reich, Otto Saur, l'un des responsables du Jàgerstab, appuyé par Speer et Goering, proposa de lancer en priorité un programme de chasseur léger à réaction.
Celui-ci devait être équipé du réacteur BMW-109.003 et se montrer capable de décoller en 500 m et de voler à 750 km/h. Son armement devait comporter deux canons de 30 mm et sa construction, être la plus rudimentaire possible. Il lui fallait être d'un pilotage suffisamment simplifié pour pouvoir être mis entre les mains des milliers de « gosses » des Jeunesses hitlériennes et, pour couronner le tout, se trouver à même de surclasser les meilleurs chasseurs alliés.
Ce programme démentiel devait se concrétiser par la livraison d'un prototype le 1" décembre 1944 et le démarrage de la série en janvier 1945 ! Tous les grands constructeurs du Reich furent sollicités et, sauf Messerschmitt, participèrent au programme, qui fit l'objet de réunions passablement houleuses. Face à ses concurrents, Heinkel, qui ne croyait pas vraiment à la réussite d'un tel projet, décida cependant de se lancer dans la bataille afin de prendre une revanche sur le RLM, qui n'avait pas cru à ses travaux sur les moteurs à réaction et à ses premiers « jets », et il résolut de montrer ce qu'était le « rythme Heinkel ».
De fait, son avion, étudié par les ingénieurs Günter et Schwarzler, fut mis au point dans le délai étonnamment court de quinze jours et adopté par le RLM, de préférence à son seul concurrent sérieux, développé par Blohm und Voss. A la suite de cette décision, le 23 septembre, la réalisation du programme « Volksjâger » (Chasseur populaire), qui devait porter sur I 000 appareils à produire par mois, fut confiée à Heinkel. Un mois plus tard, le 29 octobre, le prototype V-1 du He-162, construit dans les ateliers de Vienne en un délai record, était achevé après des jours et des nuits de travail forcené.
Équipé d'une aile haute, le He-162 était un appareil de 7 m de longueur, dont le réacteur BMW-109.003 avait été placé au-dessus du fuselage afin de simplifier la fabrication. Il était doté d'un train tricycle, dont la roue avant s'escamotait entre les deux canons de 30 mm, tandis que les roues principales rentraient dans les flancs du fuselage. Seul ce dernier était métallique, les ailes étaient en bois, ainsi que les gouvernes, ce qui permettait de les faire fabriquer par de petites entreprises non spécialisées. Le carburant était versé directement à l'intérieur des ailes, dont le bois était spécialement imprégné. Enfin, le He-162 était pourvu d'un siège éjectable, fabriqué par la maison mère.
Le 6 décembre 1944, le prototype V-1 fut décollé pour la première fois par le Flugkapitân Peter, pour un vol de vingt minutes, mais, quelques jours plus tard, lors d'une présentation officielle, un élément de bord d'attaque de voilure se détacha et l'appareil s'écrasa, tuant son pilote. Cet accident n'interrompit pas le gigantesque programme du Volksjâger, qui allait se poursuivre contre vents et marées jusqu'à la fin de la guerre.
Dès le 22 décembre, le prototype V-2 prenait l'air et évoluait avec prudence, muni de son armement, bientôt suivi du V-3, puis du V-4, dont on avait modifié les extrémités des ailes en les inclinant vers le bas, faute de pouvoir modifier le dièdre de l'aile et pour gagner ainsi du temps. Un certain nombre d'autres prototypes furent construits et au cours des essais, des vitesses de l'ordre de 840 km/h furent atteintes. Les appareils de série, dont l'aile avait été renforcée et agrandie, commencèrent à sortir d'usine au début de 1945. Le fait que de nombreux éléments de l'avion fussent construits en bois permit à la production de se poursuivre au cours des mois suivants, selon une organisation rigoureuse et largement décentralisée.
C'est ainsi que les usines de Marienehe recevaient les fuselages fabriqués dans les ateliers de cette ville, ainsi qu'à Putlitz, à 100 km au sud, à Barth, à 70 km à l'est, et à Oranienburg, près de Berlin. Les réacteurs, de leur côté, venaient des usines souterraines d'Urseburg à 400 km au sud. Les usines Junkers, étalées sur 100 km groupaient les ateliers de sous-assemblage et la chaîne de finition, tandis que d'autres usines, les Mittelwerken, devaient assembler les Volksjâger à une cadence théorique de 2 000 appareils par mois dans les gigantesques ateliers de Nordhausen.
En fait, les bombardements des voies de communication causèrent de tels ravages que, même si les avions n'étaient pas atteints directement dans les usines, la production n'arrivait pas à démarrer. Le premier He-162 de série destiné à la Luftwaffe fut livré en janvier 1945 à l'Erprobungskommando 162 à Rechlin pour essais opérationnels, sous les ordres de l'Oberstleutnant Heinz Bâr, puis sous la direction du chef du Jagdverband JV-44, le Generalleutnant Adolf Galland. Deux Gruppen du JG-1 commencèrent ensuite à se voir dotés du nouvel appareil en février 1945.
Celui-ci ne put guère participer aux opérations en raison de la nécessité pour les équipages de s'adapter à un appareil aussi révolutionnaire et d'un pilotage assez délicat, surtout au décollage et à l'atterrissage; en raison également des restrictions de plus en plus draconiennes de carburant. Quelques rares combats aériens eurent lieu avec les avions alliés, mais surtout beaucoup d'accidents dus à des fautes de pilotage ou à des défauts de fabrication (on le comprend aisément).
le Heinkel He-280.V-1, premier chasseur à réaction expérimental de la firme, photographié en cours d'évaluation en avril 1941. L'appareil, équipé de deux turboréacteurs He-S.8-A de 585 kgp, fut suivi de huit autres prototypes plus puissants, auxquels le RLM préféra les Messerschmitt Me-262. |
Quelque 275 He-162 furent trouvés par les troupes alliées sur divers terrains allemands, sans compter près d'un millier en cours de fabrication dans les usines. Plusieurs appareils furent essayés en Grande-Bretagne, aux États-Unis, en U.R.S.S. et en France, où trois appareils furent évalués par les pilotes du CEAM de Mont-de-Marsan.
Lorsque la guerre s'acheva en mai 1945, toute une gamme de projets d'avions à réaction, tant chasseurs que bombardiers, aux silhouettes d'avant-garde avait été étudiée ou était en cours d'études chez Heinkel. L'unique début de réalisation avait consisté en un bombardier dont les quatre réacteurs étaient plaqués sous l'aile, le He-343; sa fabrication, commencée en 1944, avait été interrompue à la fin de la même année.
Après tant de réussites techniques, consacrées par tant de records, et les séries de chasseurs et de bombardiers qui avaient rendu son nom célèbre, la firme se retrouvait désormais démantelée, avec ses usines détruites et ses derniers prototypes récupérés par les puissances occupantes. Toute activité d'ordre aéronautique étant interdite — comme après 1918, elle prit un nouveau départ en 1950, avec la fabrication de scooters et de pièces d'automobiles. Ce n'est qu'à partir de 1955 que la République fédérale d'Allemagne fut autorisée à revenir à la construction aéronautique.
La nouvelle société créée à Spire, la Ernst Heinkel Fahrzeugbau GmbH, n'était plus dirigée par son créateur, qui devait mourir en 1958 à l'âge de soixante-dix ans, mais par Alfred Klein, et on y rencontrait plus d'un ancien, tels les ingénieurs Seekats, Schwarzler et Siegfried Günter. Mais les possibilités industrielles étant encore très limitées, il lui fallut redémarrer avec des fabrications sous licence : Fouga « Magister » français en coopération avec Messerschmitt; Fiat G-91 italien avec Dornier et Messerschmitt; programme du F-104 Starfighter avec les mêmes firmes plus Siebel.
Les bureaux d'études furent regroupés avec ceux de Messerschmitt et Bolkow pour former l'Entwicklungsring Süd, organisme de recherche et développement qui étudia un certain nombre de projets, parmi lesquels le chasseur à décollage vertical VJ-101 à réacteurs pivotants. Parallèlement, son propre bureau d'études développait en coopération avec Potez un dérivé du Magister, le CM-191, qui vola en 1962, et un biréacteur de transport pour vingt-deux passagers, le Fie-211.
Les études de Heinkel dans le domaine des avions à décollage vertical et dans celui des avions de transport de tonnage léger furent largement utilisés pour la réalisation du chasseur expérimental VAK-19 1 .B à décollage vertical, puis du biréacteur de transport VFW-614, avions réalisés par la VFW (Vereinigte Flugtechnische Werke). Cette société fut formée en 1963 par la fusion des firmes Weser Flugzeugbau et Focke-Wulf. Deux ans plus tard, Heinkel vint s'y intégrer à son tour avec une participation de 72 % au capital de VFW.
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Sam 21 Nov - 18:44 par FOURNIER
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Mar 27 Mar - 19:51 par sio
» Roland CHARRIERE
Ven 8 Déc - 17:13 par Admin
» Gerard Pradelle
Dim 26 Nov - 8:45 par bob2ben
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Ven 20 Oct - 13:48 par kakou301er
» je me présente : peredeced pour vous servir
Jeu 12 Oct - 19:10 par peredeced
» Alpine A110
Mer 4 Oct - 6:40 par frenchfan
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Lun 14 Aoû - 9:12 par Admin
» Alfa Romeo 183T
Dim 2 Juil - 19:45 par Péka