Matra
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Matra
La société Matra ne fut pas créée pour construire des automobiles. En 1945, Marcel Chassagny se consacre uniquement à l'aviation puis, à la demande du Ministère de l'Air, à l'étude de missiles. Mais Marcel Chassagny considère que Matra est trop confinée dans le domaine militaire et qu'une division "civile" lui conviendrait tout particulièrement bien : l'automobile. Il réussit à convaincre l'un des principaux actionnaires, Sylvain Floirat, et ils embauchent en 1963 l'homme capable de diriger efficacement cette nouvelle activité : Jean-Luc Lagardère.
Pour "entrer en automobile", Matra rachète l'entreprise de René Bonnet. En 1964, elle est intégrée à Matra qui peut présenter sa première voiture au Salon de Paris, la Djet, équipée du moteur Renault longitudinal central. Au total, 1.764 exemplaires sont produits.
Toutefois la notoriété que Matra attend doit passer par la course automobile.
Jean-Luc Lagardère définit un objectif à la fois très simple et très ambitieux : commencer par la F3 et progresser jusqu'à la F1,
le Championnat du monde des Sport-Prototypes et… les 24 Heures du Mans !
Ces grandes ambitions provoquent enthousiasme et scepticisme car le sport automobile français n'est guère brillant dans les années '60 : pas de constructeur après le retrait d'Amédée Gordini et peu de pilotes de haut niveau.
Jean-Luc Lagardère, faisant confiance aux jeunes, embauche ces inconnus du grand public que sont Legan, Boyer, Martin, Carillo, Hubert, Robin auxquels se joindront Ducarouge ainsi que les pilotes Offenstadt, Jaussaud, Beltoise, inconnus (ou presque) eux aussi. Cependant ces jeunes avaient déjà chacun un vécu prometteur d'avenir, le tout était de former une équipe et un "esprit" : l'esprit Matra.
Dans cette optique, on peut dire que Matra Sports part de zéro.
Les débuts en F3 sont difficiles. L'équipe commence à céder au découragement, quand Beltoise triomphe à Reims le 1er juillet 1965 devant les Britanniques (pilotes et constructeurs) qui, jusque-là, faisaient la loi. C'est le départ d'une formidable série de victoires en F3 (une quarantaine au total), qui démontrent la valeur de l'équipe Matra et renforcent ses ambitions.
La F3 va évoluer en F2, utilisant un moteur B.R.M. ou un Ford Cosworth. Beltoise lui donne là aussi sa première victoire, au Nürburgring en août 1966. En même temps est construit un prototype (la MS 620) à carrosserie fermée, destiné à l'étude d'une voiture pour le Championnat du monde d'Endurance. Pour ses débuts, la MS 620 reçoit un moteur B.R.M. 2 litres et fait la joie des spectateurs des circuits français.
En 1967, Matra signe avec Elf un accord de coopération technique et sportive. C'est le vrai départ. Parallèlement, les pouvoirs publics accordent un prêt de 6 millions de francs qui va permettre de travailler sur un moteur de Formule 1. Le gouvernement De Gaulle est très favorable à de tels projets, capables de faire connaître dans le monde les capacités de l'industrie française. Elf, société pétrolière nationale nouvellement créée, a également besoin de cette notoriété. Dès le mois de décembre, le moteur 3 litres V12 tourne au banc. Il est l'œuvre de Georges Martin (ancien motoriste de Simca). D'emblée, on approche des 400 ch. Pour compléter le tout, Jackie Stewart est engagé comme pilote d'essai.
Avant d'aborder la F1, il faut faire ses preuves en F2,
et deux équipes sont formées dans ce but. L'une est française, avec Jean-Pierre Beltoise et Johnny Servoz-Gavin ; l'autre est britannique et dirigée par Ken Tyrrell, avec Jackie Stewart et Jacky Ickx. L'équipe se nomme Matra-Elf International. Les titres européens et nationaux se succèdent pour les deux équipes. En 1967, la F2 passe de 1.000 à 1.600 cm3 et les coques de F3 (MS 5) jusque-là utilisées en F2 sont remplacées par des coques plus larges (MS 7), dotées de réservoirs latéraux plus grands. En France, la F3 aligne les victoires, l'équipe officielle étant épaulée par plusieurs écuries privées.
La Matra F1 naît en 1968, en même temps que son moteur V12.
Cependant, il n'équipera que la voiture de Beltoise (MS 11), car Ken Tyrrell préfère le Ford Cosworth qui a fait ses preuves. La voiture se dénomme MS 10. Et Jackie Stewart, malgré une blessure au poignet en début de saison, enlève 3 Grands Prix et se classe deuxième du Championnat du monde !
Pour Beltoise et le moteur Matra V12, les débuts sont difficiles, le pilote français se consolant avec le Championnat d'Europe de Formule 2. Au Mans, la nouvelle MS 630 à moteur Matra V12 de Pescarolo-Servoz-Gavin est en deuxième position à la 21ème heure, mais doit abandonner sur crevaison. Auparavant, Pescarolo accomplit un exploit en maintenant la cadence de nuit, sous la pluie et sans essuie-glace !
Même si c'est grâce à un moteur Ford Cosworth, Matra touche au but fixé dès sa cinquième année de compétition. Jackie Stewart, qui a remporté 6 Grands Prix, est champion du monde en 1969 au volant de la MS 80 (Beltoise se classe cinquième). Cette voiture, remarquable par l'équilibre, la maniabilité et la tenue de route, aura une carrière éphémère. Elle fut pourtant la meilleure voiture de son époque et la meilleure monoplace Matra. Mais le règlement évolue : le châssis-coque cloisonné (la spécialité Matra) interdit le montage de réservoirs souples, désormais obligatoires. Sa remplaçante est la MS 120 qui va évoluer avec les types B puis D, mais uniquement pour l'équipe française, car Matra-Elf International (Ken Tyrrell et Jackie Stewart) refuse d'utiliser le V12 français. Matra, pour sa part, ne veut plus voir ses châssis recevoir des moteurs Cosworth.
La MS 120 avec son moteur V12, aux mains de Pescarolo et Beltoise, ne brillera guère malgré un doublé au Championnat de France. Chris Amon remporte pourtant en début de saison 1971 une belle victoire au Grand-Prix d'Argentine au volant de la MS 120 B, mais hors championnat.
Dès lors, Matra va surtout s'intéresser aux Sport-Prototypes. La MS 650 à moteur V12 de Beltoise-Depailler-Todt enlève le Tour de France automobile en 1970, Larrousse-Rives récidivant l'année suivante. Belle preuve de solidité mécanique pour ces voitures de circuit devenues biplaces et adaptées à l'endurance !
Mais le grand objectif annoncé publiquement par Jean-Luc Lagardère, ce sont les 24 Heures du Mans. Il se réalise en 1972 grâce à Graham Hill et Henri Pescarolo (devant Cevert-Ganley, eux aussi au volant d'une Matra MS 670).
C'est le début d'une série de 3 victoires consécutives, assorties de 2 titres de champion du monde des Constructeurs, après des succès sur tous les circuits du monde dans les épreuves de 1.000 Km. Les objectifs ayant été atteints, Jean-Luc Lagardère annonce au début du mois de décembre 1974 le retrait de Matra de la compétition.
Avec le recul, on peut dire que Jean-Luc Lagardère avait bien su choisir les "hommes de Matra". Certains poursuivront plus tard une brillante carrière, souvent au plus haut niveau du sport automobile, l'épopée Matra Sports, ayant été pour eux le révélateur de leur grand talent.
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