Anthony Fokker
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Anthony Fokker
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LE HOLLANDAIS VOLANT L'ingénieur néerlandais Anthony Fokker fournit à l'Allemagne son meilleur chasseur de la Première Guerre mondiale et à l'aviation de transport trois générations d'appareils. Aviateur néerlandais et constructeur d'avions. Construisit et fit voler son premier appareil en 1910. Fut le concepteur de nombreux appareils pendant la première guerre mondiale Dans l'histoire, courte mais dense, de l'aviation, aucune firme n'a sans doute joué un rôle comparable à celui de Fokker. La diversité de ses productions et une étonnante faculté d'adaptation à l'ensemble des marchés aéronautiques, tant civils que militaires, lui ont permis de surmonter les obstacles qui se sont dressés sur son chemin depuis près de soixante-dix ans. Le dynamisme dont elle fait encore preuve de nos jours est à l'image de la personnalité de son créateur, Anthony Fokker.
Vie brève mais bien remplie que celle de ce Hollandais, né le 6 avril 1890 et mort le 23 décembre 1939. Anthony Fokker vit le jour à Java, où son père, Herman Fokker, possédait une plantation de café dans le village de Blitar, proche de Kediri (ville natale d'Anthony). Le jeune garçon y mena une existence heureuse, avec les indigènes des environs pour seuls compagnons de jeu. Soucieux de donner à leurs deux enfants, Anthony avait une soeur, Katharina, une éducation bourgeoise, les Fokker décidèrent de regagner les Pays-Bas. Ayant vendu leur exploitation, ils vinrent s'installer à Haarlem, au mois d'août 1894. Le goût de l'invention Anthony Fokker prit alors le chemin de l'école, mais au grand désespoir de ses parents, il ne manifesta aucune disposition pour les études, s'intéressant en revanche à tout ce qui touchait au travail du bois ou du fer. Le jeune homme installa son atelier dans un grenier. Il y construisit des trains et des voies ferrées miniatures, puis bricola des chaudières à vapeur pour ses locomotives. Il s'intéressa ensuite aux moteurs à explosion. Pour modestes qu'elles fussent, ces réalisations n'en jouèrent pas moins un rôle décisif dans l'orientation future d'Anthony. Celui-ci n'avait pas encore vingt ans quand il fut pris du désir de réaliser un pneu increvable. Les expériences qu'il effectua engloutirent très vite les maigres fonds dont il disposait. Après avoir fait appel aux finances paternelles, le jeune inventeur s'associa avec un ami d'enfance, Fritz Cremer, fils d'une riche famille de Haarlem. Le résultat de ces travaux fut positif, mais, mal conseillés par un homme d'affaires douteux, Anthony et Fritz ne purent commercialiser leur invention. Cet échec ne découragea pas le jeune Hollandais que, déjà, une autre passion habitait. C'est au Salon de l'automobile de Bruxelles qu'il avait eu l'occasion de voir pour la première fois un aéroplane (il y était exposé par le Français Latham). De retour en Hollande, Fokker, au grand dam de ses parents, décida d'apprendre à voler. Son père s'étant formellement opposé à ses projets, il écrivit à tous les grands constructeurs, sollicitant un emploi en échange de leçons gratuites de pilotage.
Mais il n'obtint aucune réponse. Cloîtré dans son grenier, il fabriqua alors des centaines d'aéroplanes en papier et en bois et se mit en tête de construire un énorme cerf-volant, mais le projet échoua, Fokker ayant été appelé sous les drapeaux. Réfractaire à toute autorité .et sachant qu'il ne pourrait longtemps supporter la vie militaire, il provoqua délibérément un accident qui lui permit d'être déclaré inapte et de regagner ses foyers. Exaspéré par ce fils qui ne lui apportait guère de satisfactions, Herman Fokker résolut de l'envoyer suivre les cours d'une école technique de renom, située à Bingen, en Allemagne. Bien qu'elle ne possédât pas le statut d'université, cette institution formait d'excellents ingénieurs. Accompagné par un ami d'enfance, Anthony s'embarqua donc en 1910 sur le vapeur qui, remontant le Rhin, devait le conduire jusqu'à Bingen. En chemin, il apprit qu'une école de mécanique, l'Automobil-Fachschule de Zalbach près de Mayence, possédait, depuis le mois d'octobre 1909, une section consacrée à la recherche aéronautique. Sans hésiter, Fokker écrivit à son père qu'il effectuerait des études non à Bingen mais à Zalbach, sans lui toucher mot cependant de la section aviation. Herman Fokker ne s'opposa pas à ce projet. L'Automobil-Fachschule disposait déjà d'un propulseur développant une trentaine de chevaux. Mais il s'agissait d'un moteur de voiture transformé. Fokker s'aperçut très vite qu'à Zalbach personne ne connaissait rien à l'aéronautique et que ses expériences antérieures faisaient de lui l'un des meilleurs éléments de l'école. Ses condisciples s'étant attaqués à la construction d'un aéroplane, et les fonds manquant, le directeur fit appel à la générosité de ses étudiants. Fokker demanda de l'argent à son père, tout en lui avouant sa supercherie. A sa grande surprise, la lettre qu'il reçut de Hollande ne contenait aucun reproche. Le projet put donc suivre son cours. Un terrain fut loué près de Wiesbaden, où l'avion devait accomplir son premier vol. Pendant cette période de préparation, Anthony Fokker sympathisa avec Bruno Buechner, chargé des essais et de l'instruction au pilotage. Ce personnage jovial, d'origine bavaroise, était desservi par deux handicaps : son poids et sa méconnaissance des problèmes du vol (il avait plusieurs fois essayé de voler, mais toutes ses tentatives s'étaient soldées par des échecs).
Mis au point tant bien que mal, le premier avion de l'école avait bien piètre figure. Beaucoup trop lourd, doté d'une voilure trop petite, sous-motorisé, il n'avait en fait aucune chance de quitter le sol. Par bonheur, un élève plus fortuné que les autres put acheter un moteur Argus de 50 ch à refroidissement par eau, qu'il prêta à l'Automobil-Fachschule. Bien que celle-ci se débattît dans d'inextricables difficultés financières, un second aéroplane fut tout de même bâti, un biplan encore plus lourd que le précédent, que Buechner entreprit de faire décoller. Il y parvint mais s'écrasa très vite au sol. Si le pilote s'en tira indemne, la machine, elle, s'était brisée, de même que le moteur. A Zalbach, on se trouvait donc dans une impasse. Le premier avion C'est alors qu'un officier retraité de l'armée impériale, déçu par l'expérience de l'Automobil-Fachschule, vint proposer une association à Fokker. Agé d'une cinquantaine d'années, l'Oberleutnant von Daum s'engageait à fournir de l'argent et un moteur, en échange de quoi il demandait au Hollandais de concevoir un aéroplane capable de voler. La construction de l'appareil, connu sous le nom d'aéroplane Fokker-von Daum, débuta à l'automne 1910. Anthony Fokker dessina les plans et obtint d'une usine de Francfort qu'elle fabriquât les pièces. Cet appareil s'inspirait, dans ses grandes lignes, des machines imaginées par un pionnier allemand, Jacob Goedecker, tant pour la structure du fuselage que pour les empennages, la disposition du siège et du moteur. L'avion possédait des ailes en V, et Fokker, qui en fit les essais, le manoeuvrait par simple gauchissement. Rapidement, le pionnier s'aperçut qu'il fallait le doter de gouvernails. A la Noël 1910, sept ans après le premier vol des frères Wright, comme Fokker le souligne dans ses Mémoires, l'aéroplane Fokker-von Daum quittait le sol et volait sur une trentaine de mètres. Satisfait, le Hollandais partit passer les fêtes de fin d'année en famille, laissant la garde de l'avion à von Daum.
Mal lui en prit. L'ex-officier, se sentant quelque peu rejeté du projet, décida d'essayer seul l'appareil, bien qu'il sût à peine piloter. Cette tentative se termina de façon désastreuse contre le seul arbre bordant le terrain de Baden-Oos. Un deuxième Spin (les premiers avions de Fokker portèrent le nom de Spin, qui, en néerlandais, signifie « araignée ») fut élaboré dans l'atelier de Jacob Goedecker, à Nieder-Walluf, sur le Rhin. Propulsé par un moteur Argus de 50 ch, il vola pour la première fois en mai 1911. Le 5 de ce mois, Fokker effectua avec lui un virage à gauche et emmena son associé dans les airs. Le 16 mai, devant la commission de Mayence de la Deutsche Luftschifferverband (AéroClub d'Allemagne), il passa son brevet de pilote (portant le numéro 88). Un nouvel accident ayant à jamais dégoûté von Daum du plus lourd que l'air, Fokker, à sa grande satisfaction, resta seul dans l'affaire. 11 récupéra, dans les débris de son second appareil, le moteur Argus légèrement endommagé et le monta sur un aéroplane fabriqué par Jacob Goedecker. L'avion fut achevé en août 1911. Répondant alors à l'invitation qui lui avait été adressée par la ville de Haarlem, sur l'initiative d'un comité dont son père faisait partie, Fokker partit pour les Pays-Bas et fit une démonstration devant plusieurs milliers de personnes, prenant une éclatante revanche sur le destin.
De retour en Allemagne, où son ami Fritz Cremer le suivit avec l'intention d'apprendre à voler après avoir acheté un aéroplane, Anthony Fokker devint pilote d'essai de Goedecker. En décembre 1911, il quitta son employeur pour s'installer à Johannistal, près de Berlin. Johannistal était alors le «centre historique» de l'aviation allemande; Fokker y loua un hangar à la firme Dixi (dont il essaya, plus tard, un moteur sur l'un de ses avions) et choisit le nom de sa petite entreprise : la Fokker Aeroplanbau. Espérant fermement remporter quelques-uns des prix distribués lors des compétitions organisées sur le terrain d'aviation, il désirait également ouvrir une école pour la formation des pilotes militaires, mais aussi obtenir quelques commandes pour ses constructions. En janvier 1912, Fokker mit au point une première variante du Spin HI. Équipée d'un moteur Argus de 70 ch, elle permit au Hollandais d'effectuer son premier parcours au-dessus de la campagne, à une dizaine de kilomètres de Johannistal. Il passa ensuite commande de deux appareils à Goedecker et, après avoir engagé deux mécaniciens, put enfin ouvrir son école de pilotage. Bien que sa renommée grandît de jour en jour, Fokker n'avait toujours vendu aucune de ses réalisations. Alors qu'il était occupé au montage des deux avions livrés par Goedecker, une commission de l'armée vint visiter ses installations de Johannistal et s'intéressa au Spin. A la suite de ce contact, le petit constructeur adapta un Argus de 100 ch sur l'un de ses avions, qui fut désigné B-1912. Répondant exactement aux desiderata de l'état-major, ce monoplan, très stable, pouvait emporter une charge importante et présentait des qualités ascensionnelles assez remarquables. Le 14 mai 1912, pour impressionner les militaires, Fokker emmena trois personnes sur son appareil. Mais il avait, semble-t-il, trop présumé de la solidité du B-1912, car, dix jours plus tard, alors qu'il avait à son bord un officier, l'Oberleutnant von Schlichting, l'avion s'écrasa au sol, tuant son passager. Après avoir craint un moment que toute transaction avec l'armée fût compromise, Fokker se trouva rassuré : en juin 1912, le ministère de la Guerre prussien lui commanda un monoplan équipé d'un Argus de 100 ch, en stipulant que la livraison devait s'effectuer par la voie des airs de Johannistal à Döberitz. Malgré un léger incident, le vol fut un succès parfait.
Peu de temps après, Fokker, apprenant que l'empire des tsars organisait un concours d'aviation militaire, décida de se rendre à Saint-Pétersbourg et de tenter sa chance. En dépit des bonnes performances réalisées, cette entreprise se termina par un fiasco. L'Allemagne répondait mieux aux ambitions du jeune constructeur. Fin 1912, en effet, les premiers officiers furent affectés à l'école Fokker, qui connaissait à présent un certain développement. Fritz Cremer y prit la direction de l'instruction, et, le 7 décembre 1912, la Fokker Aeroplanbau GmbH voyait officiellement le jour avec un capital de 30 000 marks. La voie du succès Au mois de mars 1913, la Fokker Aeroplanbau s'adjoignit les services de Bernard De Waal, un compatriote de Fokker, ancien chef pilote de Goedecker. A cette époque, le Hollandais employait vingt-cinq personnes, et l'école de pilotage fonctionnait à merveille. Sa principale préoccupation restait cependant d'obtenir des commandes militaires. La firme tenta de convaincre le gouvernement néerlandais d'acquérir quelques-uns de ses appareils. Dans ce but, De Waal, accompagné de Kuntner, un autre employé de Fokker, effectua un vol de 640 km de Berlin à La Haye, avec une seule escale à Hanovre. Malgré l'excellent rapport rédigé par un officier hollandais qui avait appris à piloter à Johannistal, la commission d'achat de l'armée se prononça pour des avions français. Ne recevant aucune commande de l'armée allemande, Fokker se tourna alors vers la marine impériale et construisit un hydravion sesquiplan doté d'un moteur Renault de 70 ch, qu'il inscrivit dans la course d'hydravions rapides de Monaco. Cet appareil, le Fokker W.1, s'abîma dans la rivière où il effectuait ses essais. Fokker avait prévu une seconde version, équipée d'un moteur plus puissant (un 12-cylindres de 100 ch), mais, après cette catastrophe, il renonça à la construire, d'autant que l'armée venait enfin de lui acheter deux avions, l'un équipé d'un Argus de 100 ch, l'autre doté d'un nouveau propulseur, le 6-cylindres Mercedes de 95 ch. Ainsi débuta la série M (Militàr). Les deux premiers appareils, désignés M.1, furent vendus à un prix très raisonnable dans l'espoir d'arracher de nouveaux contrats. Mais les machines n'ayant pas donné satisfaction aux pilotes de l'armée, aucune commande ne suivit, malgré un intérêt officiel ouvertement affiché. Le terrain de Johannistal étant très encombré, ce qui provoquait des collisions en vol, l'armée entreprit en 1913 de convaincre les directeurs des écoles de pilotage de s'installer ailleurs. Ayant accepté de transférer la partie militaire de son école sur l'aérodrome de Goerries, près de Schwerin (il ne restait à Johannistal qu'un centre réduit, réservé à l'instruction des pilotes civils), Fokker bénéficia d'un contrat de trois ans avec l'inspection du personnel de l'aviation.
L'armée ouvrit cette même année un concours réclamant un appareil aisément démontable et transportable, susceptible d'être convoyé par la route partout où cela s'avérerait nécessaire; un temps limite était fixé pour l'assemblage (deux heures) et pour le démontage (une heure). Avec les pièces de rechange, l'huile, l'essence, l'avion devait tenir dans un camion dont le choix était laissé au constructeur. L'armée s'engageait à passer commande au vainqueur de dix machines, payées chacune 45 000 marks. Fokker construisit un appareil, auquel il donna la désignation de M.2, et qui s'inspirait incontestablement du monoplan dessiné par Max Court, un habitué de Johannistal. Avec son moteur Argus de 100 ch, le M.2 atteignait 145 km/h. Pour le transport, les ailes pouvaient être enlevées et disposées le long du fuselage. Le démontage complet de l'appareil ne demandait pas plus de cinq minutes. Fokker remporta la compétition, mais, contrairement à ce qu'il affirme dans ses souvenirs, il ne semble pas que les militaires aient honoré leurs engagements et passé commande de dix M.2. En effet, l'avion faisait preuve d'une grande instabilité, ce qui exigea des modifications au niveau de la queue. Celles-ci effectuées, le M.2 ne donna toujours pas satisfaction et connut une carrière très brève dans l'aviation allemande.
Après l'échec du M.2, Fokker entreprit de fabriquer un avion plus lourd et plus complexe, le M.3. Doté d'un Mercedes de 95 ch, il vola à Johannistal le 26 septembre 1913. Mais l'expérience fut encore décevante. Le M.3A, version affinée du M.3, se montra tout aussi inapte à servir en unité. Il avait hérité du moteur Renault de 70 ch rescapé de la catastrophe du W.l. Des officiers du centre d'essais en vol de Dôberitz, qui suivaient avec intérêt les efforts de Fokker, lui suggérèrent d'abandonner le système de contrôle de la stabilité et de la direction qu'il avait adopté avec le Spin Ill au profit de celui du Taube. Tenant compte de ces conseils, le constructeur introduisit une modification radicale dans sa technique avec le M.4. Également désigné Stahltaube (Pigeon d'acier) et propulsé par un moteur Mercedes de 100 ch, ce dernier vola pour la première fois à Schwerin en novembre 1913. L'expérience ne fut pas concluante : l'avion présentait, en effet, des performances inférieures à celles de tous les appareils allemands de l'époque. De plus, il était tout à fait instable et fut détruit dans un accident. A la fin de 1913, Fokker congédia l'ingénieur qui l'avait conçu. Peut-être était-ce là une réaction par trop précipitée, car le M.4, quels que fussent ses défauts, marquait un réel progrès sur les avions précédemment construits par la firme.
Une fois cette affaire réglée, Fokker engagea un nouvel ingénieur, Martin Kreutzer, qui occupa ce poste jusqu'à sa mort accidentelle en 1916. Lorsque la Fokker Aeroplanbau fut tout entière transférée à Schwerin, au début du mois d'octobre 1913, sa situation financière était loin d'être rassurante. Anthony Fokker avait contracté des dettes énormes auprès des relations et des amis de son père aux Pays-Bas; en outre, les échecs successifs de ses prototypes avaient entamé la confiance de l'armée. Les écoles militaire et civile périclitaient également. Pour assurer la survie de son entreprise, il était impératif que Fokker mît très vite au point un excellent appareil. Estimant que la meilleure solution consistait à imiter l'un des meilleurs aéroplanes de son temps, le monoplan Morane-Saulnier, Fokker acheta donc un MS type H de seconde main, qu'il fit voler devant un comité restreint comprenant quelques représentants de l'armée. Littéralement conquis par l'agilité et la manoeuvrabilité de l'avion, ceux-ci demandèrent au constructeur de leur fabriquer un appareil identique. Fokker fit entièrement démonter l'aéroplane français, qui servit de modèle, malgré des différences notables, à son fameux M.5. Deux prototypes furent mis au point : le M.5K (K pour Kurz, « Court »), à envergure réduite, prévu pour un usage militaire, et le M.5L (L pour Lang, « Long »), destiné à l'acrobatie, pour laquelle Fokker manifestait un grand intérêt depuis les exhibitions de Pégoud.
Le M.5K vola le premier avec un Gnome de 50 ch (en attendant l'arrivée du moteur Oberursel choisi par l'armée). Bien que très maniable, il possédait des qualités ascensionnelles médiocres. En revanche, le modèle L, équipé d'un Oberursel de 80 ch, remporta un franc succès, puisque le 18 juin 1914, après avoir assisté à une démonstration de voltige aérienne, une commission militaire recommanda l'adoption de cet appareil au détriment du M.5K, qui fut temporairement laissé de côté. Il n'empêche qu'il servit de base à la génération des chasseurs Fokker monoplaces des années 1915-1916. Dix exemplaires du M.5L furent commandés par l'armée pour évaluation. De son côté, Fokker mit en évidence les étonnantes capacités de son avion à la faveur d'une grande tournée à travers l'Allemagne. Le General von Falkenhayn, ministre prussien de la Guerre, lui fit l'insigne honneur d'assister à sa dernière démonstration à Johannistal. Pendant les premières opérations de la guerre, les moteurs Oberursel acquirent une très mauvaise réputation auprès des pilotes. Quinze M.5L (également désignés Fokker A.I) et cinq M.K5 (Fokker A.III) servaient encore dans l'aviation allemande en février 1915. En juin 1914, à la veille du conflit, Fokker avait sorti le monoplan M.6. Mais le seul exemplaire de ce type s'écrasa sur le terrain de Schwerin.
Les Fokker Eindekker Le succès du M.5 avait valu à Fokker des commandes substantielles, mais c'est la guerre qui donna l'impulsion décisive à son entreprise. Dès la mobilisation, les autorités militaires réquisitionnèrent, au profit de l'armée de terre, tous les avions disponibles chez les constructeurs installés en Allemagne. La marine impériale, qui avait un besoin urgent d'aéroplanes, ayant violemment réagi, il s'ensuivit un véritable conflit. De son côté, Fokker acceptait toutes les commandes, au risque de ne pouvoir les honorer, ses ateliers étant parfaitement incapables de soutenir les cadences de la production en série. Mais son sens des affaires compensa cette carence initiale. Ainsi décida-t-il de se mettre au service exclusif de l'armée de terre. La marine impériale avait, en effet, émis des spécifications pour un sesquiplan d'observation, le M.7. Après en avoir construit une vingtaine, dont le premier apparut en janvier 1915, Fokker en abandonna la production pour se consacrer au M.8, que l'armée de terre comptait employer en coopération avec l'artillerie. Quelque douze M.7 furent cédés à l'armée autrichienne, qui, par suite d'une mauvaise politique industrielle, manquait cruellement d'avions au début des hostilités. Ils prirent la désignation de Fokker B. Reconnaissante à Fokker de son initiative, l'armée de terre décida de constituer une escadrille d'observation sur M.8. Né en octobre 1914, cet appareil, dérivé du M.5, possédait un fuselage élargi permettant à deux hommes de se tenir côte à côte; de larges ouvertures facilitaient le travail de l'observateur. Propulsé par un Oberursel rotatif à 7 cylindres de 80 ch, il servit au sein d'unités volantes rattachées à l'artillerie et fut employé pour des missions de reconnaissance tactique. Désigné Fokker A, puis Fokker A.I, il fut également produit sous licence par Halberstadt sous le nom de Halberstadt A.I. Fin 1914 et début 1915, l'évolution des combats dans les airs laissait pressentir la nécessité de mettre en oeuvre des appareils spécialisés. Les constructeurs tentèrent d'adapter sur leurs aéroplanes différentes catégories d'armes, dont la plus efficace fut sans conteste la mitrailleuse. Mais du fait de la présence de l'hélice, il était impossible, sauf cas particuliers, de tirer vers l'avant. De nombreux techniciens se penchèrent sur ce difficile problème.
En mai 1914, le Français Raymond Saulnier avait déposé un brevet portant sur un dispositif synchronisé avec l'hélice, mais celui-ci n'avait connu aucune application. Saulnier se rabattit alors sur un procédé consistant à blinder la partie de l'hélice située en face de la bouche de la mitrailleuse : certaines balles passaient, les autres s'écrasaient sur ce blindage. C'est Roland Garros qui, en collaboration avec Saulnier, perfectionna le système et le rendit opérationnel. Les résultats furent concluants, si l'on en juge par le nombre de victoires remportées en quelques jours par le pilote français. Le 19 avril 1915, Garros, touché, dut se poser dans les lignes allemandes et ne parvint pas à détruire complètement le MS type N sur lequel avait été montée son invention. Le lendemain, l'hélice Garros était expédiée aux ateliers Fokker, et le Hollandais se mettait au travail sur-le-champ. En un peu moins de trois jours, il réussit à mettre au point un procédé de tir synchronisé à travers l'hélice, dont la haute fiabilité fut très vite démontrée. Ce système fut installé sur un M.5K d'avant-guerre, redésigné pour la circonstance M.5K/MG (MG pour Maschinengewehr, « mitrailleuse »). Les officiers qui assistèrent aux démonstrations, dont certaines effectuées par Fokker en personne, se montrèrent très impressionnés.
Le M.5K/MG fut donc le prototype du Fokker E.l, qui inaugura lui-même l'importante série des Fokker E. Le E.1 était propulsé par un Oberursel U.0 de 80 ch et armé d'une mitrailleuse Parabellum de 7,92 mm. Son fuselage était composé de tubes d'acier, tandis que ses ailes avaient une structure en bois. Les premiers appareils de ce type furent livrés au centre de Dôberitz en juillet 1915. Ils commencèrent à arriver sur le front le mois suivant, et l'Oberleutnant Max Immelmann fut le premier à abattre un appareil ennemi avec le nouveau modèle, le1er août 1915, imité dix-huit jours plus tard, par Oswald Boelcke. Les victoires que les deux pilotes obtinrent par la suite (huit chacun en janvier 1916) rendirent le Fokker E.1 célèbre. Une version plus perfectionnée, issue du prototype M.14, fut mise en ligne en septembre 1915. Il s'agissait du Fok.E.II, premier aéroplane allemand spécialement conçu pour la chasse monoplace. Fokker comptait le doter d'un Oberursel de 100 ch. Toutefois, les délais de livraison du moteur furent si longs que le M.14 et une partie de la production reçurent l'ancien propulseur de 80 ch. Mais le Fok.E.II ne répondit pas aux espoirs de ses concepteurs, et vingt-trois exemplaires seulement en furent produits, dont quinze servaient encore sur le front de l'Est à la fin de l'année 1916. Après quelques modifications, l'envergure fut portée de 8,95 m à 9,52 m — le Fok.E.III, qui fut l'appareil le plus célèbre de la première génération d'avions de chasse fabriqués par Fokker, vit le jour. Comme quelques unités du modèle E.II, il fut équipé de l'Oberursel de 100 ch, qui lui permettait d'atteindre 140 km/h. Les E.III commencèrent à arriver en unité en août 1915; ils connurent un succès foudroyant auprès des pilotes, qui attendaient avec impatience d'en être pourvus. Le E.III devait faire l'objet des plus grosses commandes passées à cette date par l'armée allemande. Entre septembre 1915 et août 1916, 258 exemplaires sortirent de l'usine de Schwerin. En avril 1916, 110 Fokker E.IIl combattaient sur le front de l'Ouest. Entre les mains de Boelcke ou d'Immelmann, cet appareil devint une arme des plus redoutables, mais, s'il permit aux Allemands de s'assurer la maîtrise du ciel, il ne fit pas, comme on l'a souvent écrit, une hécatombe parmi les avions alliés. De leur côté, les Français et les Britanniques ne disposaient d'aucun modèle capable de s'opposer avec efficacité au Fokker E.III, et leurs techniciens travaillaient fiévreusement à trouver une parade.
Au départ, les Fokker Eindekker furent considérés non comme une arme offensive, mais plutôt comme un moyen de protection des aéroplanes de reconnaissance et d'observation. Deux appareils de chasse furent donc affectés à chaque unité opérationnelle (dans les secteurs les plus durs, leur nombre fut porté à quatre par formation). Engagés par la suite dans des opérations actives de chasse, les Fokker E jetèrent véritablement les bases de cette dangereuse et difficile spécialité. Leur succès vint moins de leurs qualités intrinsèques que de l'effet de surprise que suscita leur entrée en ligne. L'étoile du type E commença à décliner lorsque les ingénieurs alliés eurent mis au point des avions comparables, dotés de systèmes de synchronisation du tir à travers le champ de l'hélice. Les Britanniques introduisirent ainsi le Vickers « Gunbus », biplace, et le DH-2, monoplace; les Français, quant à eux, adoptèrent le Bébé Nieuport.
Au printemps de 1916, sentant l'initiative lui échapper, Fokker tenta de perfectionner le type E en construisant le Fokker E.IV. Comme le Fokker E.III, cet appareil était armé de deux mitrailleuses synchronisées. Son moteur, un Oberursel V.II1 rotatif à 14 cylindres en double étoile de 160 ch, était puissant mais manquait de souplesse. Immelmann suggéra d'équiper cet avion de trois mitrailleuses. Mais l'accroissement de poids consécutif à cette modification eut de néfastes conséquences sur les performances du E.1V, déjà fortement handicapé par la masse de son moteur, et le grand as allemand préféra revenir au Fokker E.III, modèle sur lequel il mourut au combat, le 18 juin 1916. Trente Fokker E.IV seulement furent construits. Au total, 625 chasseurs de type E sortirent des chaînes de montage. L'ère des chasseurs biplans Conçu pour répondre aux besoins de la marine impériale, le M.7 fut aussi exporté vers l'Autriche. Fokker en fit également un hydravion. Après avoir effectué quelques essais en mars 1915, le W.4, version maritime du M.7, servit ensuite dans l'aéronautique navale, doté d'un moteur Oberursel U.0 de 80 ch. Guère satisfait par cette expérience, le constructeur hollandais décida de fabriquer un appareil assez peu conventionnel : le M.9. Celui-ci était caractérisé par son double fuselage fait de deux cellules de M.8 et par ses deux moteurs, des Oberursel de 80 ch (ce fut le seul avion de ce type mis au point par Fokker pendant la Première Guerre mondiale); une nacelle centrale pouvait emporter un équipage de trois hommes. Un seul M.9 vit le jour, qui vola d'ailleurs très peu. Au M.9 succéda le M.10E, biplan biplace qui reçut un Oberursel de 80/100 ch et opéra, sous la désignation B-I, dans l'armée austro-hongroise. Une variante, le M.10Z (B-II), servit à l'entraînement, à la reconnaissance et au réglage d'artillerie, équipée d'un 100-chevaux U.I. Au début de l'année 1916, il était parfaitement clair que l'ère du chasseur monoplan était révolue. Inquiète de la supériorité des biplans britanniques et français, l'armée demanda aux industriels allemands de concevoir de toute urgence des biplans de chasse. Bien qu'ayant déjà abordé cette formule avec le M.7 et le M.10, Fokker estimait qu'aucun de ces avions ne pouvait donner naissance à un bon appareil de chasse. Il lui fallait donc trouver une voie tout à fait nouvelle. L'aboutissement de cette politique se matérialisa dans les types M.16 et M.18, équipés de moteurs en ligne refroidis par eau, et les types M.17 et M.19, pourvus de propulseurs rotatifs. Surnommé « Karausch » (Carassin, une petite espèce de carpe), le M.16E reçut un Mercedes de 100 ch; il vola pour la première fois au cours de l'hiver 19151916, mais se montra sous-motorisé. Il fut suivi du M.16Z, un biplace doté d'un Mercedes de 160 ch en attendant la mise en service des moteurs AustroDaimler. Sur ces deux appareils, comme sur les premiers M.17E, le plan supérieur venait directement s'accrocher dans le fuselage à la hauteur du poste de pilotage. |
suite...
Il en résulta de graves inconvénients, et nombre de pilotes furent décapités lors d'accidents qui auraient dû être sans gravité. Fokker prit alors la décision de surmonter le fuselage d'un pylône « anti-crash ». Le M.16Z ne possédait que des organes de gauchissement. Une version destinée à l'armée austro-hongroise fut équipée d'ailerons. Désignée L.16ZK (K pour Klappenverwindung, « ailerons »), cette variante fut commandée à trente exemplaires.
Représentant d'une nouvelle génération d'avions commerciaux, le Fokker F-VIIa entra en service à la KLM en 1925. Bien que monomoteur, il pouvait transporter dix passagers sur de courtes et moyennes distances. Son succès dépassa rapidement les frontières néerlandaises. |
Parallèlement au M.16 se développa le M.17, qui conservait le moteur rotatif Oberursel de 80 ch. Le M.17E, testé à Adlershof, ne fut pas une grande réussite. En dépit de la présence de deux ouvertures triangulaires sur les côtés du fuselage, il offrait un champ de vision restreint. Fokker appréciait cependant cet appareil et en fit son avion personnel. Le M.17Z eut plus de succès auprès des armées de la Triplice. Pourvu initialement d'un moteur Le Rhône de 80 ch, pris sur un aéroplane français, il reçut par la suite un Oberursel de 100 ch.
Une commission militaire vit dans cet appareil un successeur éventuel pour le Fokker E.11. Mais une modification mineure et des problèmes de structure firent qu'il fut réceptionné par les militaires après le M.18Z. En conséquence, il reçut la dénomination officielle de Fokker D.II. L'armée allemande commanda 132 exemplaires du D.II dotés d'Oberursel de 100 ch et armés d'une mitrailleuse LMG-08 (remplacée plus tard par la LMG-08/15). La production débuta au mois de juillet 1916, mais l'avion était déjà dépassé quand il arriva sur le front de l'Ouest, à partir du mois de septembre 1916. Inférieur aux Albatros D-I et D-II, il fut envoyé dans les secteurs les moins dangereux, comme la Macédoine et la Turquie. En septembre 1917, dix appareils seulement restaient en service.
Le M.18, biplan de chasse monoplace, fut développé parallèlement au M.17. Le M.18E ne dépassa jamais le stade du prototype. Le 16 avril 1916, le M.18Z reçut un accueil assez froid de la commission spécialisée chargée de l'examiner, et seuls trois exemplaires — chiffre qui mit Fokker en fureur furent commandés. Après des essais et quelques changements au niveau des structures, l'appareil fit l'objet d'un marché portant sur vingt-cinq exemplaires.
L'armée demanda qu'il fût équipé d'ailerons, et, comme pour le M.17Z, deux versions du M. 18Z virent le jour : le M.18ZF (organes de gauchissement) et le M.18ZK (ailerons), qui devint le Fokker D.I. Les Autrichiens reçurent quelques-uns de ces appareils et en construisirent sous licence à Budapest, dans les ateliers de la MAG (Ungarische allgemeine Maschinenfabrik AG). Considérant la lourdeur et le manque de maniabilité de l'avion comme des vices rédhibitoires, les grands pilotes allemands, Boelcke en tête, lui préférèrent les chasseurs Halberstadt D.I et D.II. Aussi le Fokker D.I ne fit-il qu'une modeste carrière en Turquie et sur le front de Mésopotamie.
Le Fokker D.III, issu du M.19, était un Fokker D.II doté d'un propulseur Oberursel VIII de 160 ch et dont la surface de la voilure était aussi importante que celle du Fokker D.I. Boelcke fut le premier à recevoir cet avion, au mois de septembre 1916. Mais, bien qu'ayant reconnu les qualités de l'appareil et estimé celui-ci apte à servir sur le front occidental, l'as allemand choisit l'Albatros D-I. Le Fokker D.III fut utilisé dans les secteurs les moins actifs du front de l'Ouest puis fut affecté à la défense aérienne de l'Allemagne.
Cent cinquante-neuf de ces avions furent livrés à l'aviation militaire allemande entre septembre 1916( et le printemps de 1917. Amèrement déçu par l'in succès du D.III, Fokker critiqua la maison Albatros qu'il accusa d'avoir monopolisé l'ensemble du marché Puis il se lança dans la mise au point du M.20, qu'i fit voler en octobre 1916. Ce dernier appareil possédait un moteur Mercedes de 160 ch et avait été directemen pourvu d'ailerons.
Puissant et très manœuvrable, le Fokker D.VII devait s'affirmer comme l'un des meilleurs chasseurs des derniers mois de la guerre. |
Il était armé de deux mitrailleuses dont la dotation en munitions était deux fois plu! élevée que celle des modèles précédents. Mais les essai! du M.20 traînèrent en longueur, et le constructeur dui accepter de nombreuses modifications. Finalement trente-trois exemplaires, dont trois spéciaux, furent commandés par l'armée. Ils se taillèrent quelques vic toires sur le front français au début de 1917 avec la Jasta 2, puis, jugés incapables de poursuivre le combat à l'Ouest, ils furent envoyés sur les fronts de Russie el de Mésopotamie.
La firme Fokker traversait alors une crise assez grave. Après la disparition tragique de son ingénieur en chef, Kreutzer, en juin 1916, lors de l'évaluation en vol d'un Fokker D.l, Anthony Fokker ne parvenait pas à lui trouver un remplaçant de valeur. Devant l'insuccès de ses aéroplanes, l'armée, toujours décidée à le soutenir, lui offrit la possibilité de construire sous licence quatre cents AEG C.IV. Le Hollandais accepta, non sans se plaindre de la complexité de cet avion. Mais il comptait toujours fabriquer des appareils de sa propre conception. Reinhold Platz, un ingénieur de talent, allait l'y aider.
Fokker revint d'abord à la formule du moteur rotatif léger et mit au point successivement le M.21 et le M.22, lequel allait devenir le prototype du Fokker D.V. Il subit ses essais de structure à la fin du mois d'octobre 1916. Ceux-ci furent, une fois de plus, décevants. L'avion fut néanmoins retenu, mais n'ayant pas fait l'unanimité chez les pilotes, il fut envoyé dans les unités d'instruction et d'entraînement. Au total, deux cent seize appareils de ce type furent acquis par les autorités militaires.
Fokker V et Fokker Dr.I et D.VII
Au cours de l'automne 1916, Fokker inaugura un nouveau système de désignation : V pour Verspannungslos (Appareils sans haubanage), puis Versuchfiugzeug (Avion expérimental). Quarante-cinq de ces aéroplanes furent dessinés par Reinhold Platz, dont beaucoup n'atteignirent jamais le stade du vol. Ils marquèrent cependant une rupture complète avec les pratiques antérieures de la firme.
Le biplan V.1 fut prêt à voler cinq semaines après que Platz eut accédé au poste d'ingénieur en chef de Fokker. C'était une machine d'une conception révolutionnaire, propulsée par un Oberursel rotatif de 100 ch et dotée, comme le Junkers J-I, d'une aile cantilever. En janvier 1917, le V.1, ayant subi de nombreuses modifications (notamment au niveau de la queue) et son moteur ayant été remplacé par un Mercedes de 120 ch refroidi par eau, fut redésigné V.2.
Le V.3, un triplan cantilever construit, en février 1917, à la demande de l'armée, ressemblait dans ses grandes lignes au Fokker Dr.I, que le baron Manfred von Richthofen allait rendre célèbre. Mais, la cellule du V.3 présentait d'importantes vibrations, et c'est pour pallier ce grave défaut que fut fabriqué le V.4. L'aboutissement de ce lent cheminement vers la mise au point d'un avion triplan de bonne qualité fut le V.5, conçu dans le seul but de participer à des compétitions aéronautiques (il pouvait monter à 6 000 m en une vingtaine de minutes, ce qui représentait une performance remarquable pour l'époque).
Le V.6 utilisait un moteur Mercedes D.II de 120 ch, tandis que le V.7, un Dr.l de série, était équipé d'un Siemens-Halske Sh.IIl rotatif de 160 ch entraînant une hélice quadripale. Quant au V.8, il fut sans doute l'un des modèles les plus extraordinaires de cette lignée. C'était un triplan doté, au milieu du fuselage, juste derrière le poste de pilotage, d'une aile biplane supplémentaire. En dépit de l'avis défavorable de Platz, Fokker avait tenu à construire cette machine, qui fut un fiasco total. Avec la formule V.9, le Hollandais revint au biplan, mais avec de nombreuses composantes du triplan.
des Fokker D.VII de la Jasta 26, basée à proximité du front, sur un terrain de fortune, dans les dernières semaines du conflit. |
En janvier 1918, Fokker remporta avec le V.I I le concours ouvert à toutes les firmes aéronautiques allemandes pour la production d'un nouveau chasseur. Cet appareil devint, après de légères modifications, le prototype du célèbre Fokker D.VII. Propulsé par un Mercedes D.III de 160 ch, il présentait des performances remarquables (avec un poids de 874 kg, il montait à 5 000 m en un peu plus de trente minutes). Il n'existe aucune trace des types V.12, V.14, V.15 et V.16. Le V.13/1, apparu en novembre 1917, fut le prototype du Fokker D.VI.
Le premier des Versuchflugzeug monoplans fut le V.17. Il avait une aile cantilever, mais l'emplacement du poste de pilotage, en plein milieu du fuselage, rendait la visibilité vers l'avant pratiquement nulle. Le V.18 fut la dernière étape de l'évolution qui aboutit au Fokker D.VII. L'exemple du V.20, qui fut conçu et construit en cinq jours et demi, constitue un remarquable témoignage de la vitesse à laquelle travaillaient Platz et Fokker, aiguillonnés par la nécessité de toujours innover dans la compétition furieuse qui opposait les constructeurs. Autre variante du D.VII, le biplan V.21 était équipé d'un Mercedes D.III de 160 ch à taux de compression élevé.
Après une nouvelle incursion dans le domaine des monoplans à aile basse avec le V.23, le V.25 et une série d'essais menés avec un moteur Benz D.VII de 200 ch, Fokker se lança dans la fabrication de prototypes à aile parasol. Le premier d'entre eux fut le V.26 (moteur Oberursel U.II de 100 ch), d'abord produit sous la désignation E.V puis redésigné D.VIII. En 1918, l'appareil reçut trois moteurs différents. Au cours de l'été, Platz, partant du V.9, conçut le V.33, un biplan que Fokker emmena en Hollande en 1919 et qu'il utilisa comme avion personnel jusqu'en 1922. Le V.38 fut le prototype du Fokker C.I biplace, dont la construction était en cours au moment de l'Armistice. Soixante-dix de ces avions furent convoyés par Fokker vers les Pays-Bas après la défaite allemande.
Issu du V.4, le Fokker Dr.l triplan, l'un des avions les plus fameux d'Anthony Fokker, entra en service actif au cours du mois d'août 1917 et fut utilisé par les plus grands pilotes allemands, tel von Richthofen surnommé « le Baron rouge ». L'appareil, d'abord désigné Fokker F.I, reçut, par suite d'une décision de l'armée, le nom de Fokker Dr.l. Après avoir assisté, le 26 août 1917, à une démonstration du nouveau chasseur, le Generalquartiermeister Erich Ludendorff fut conquis par les qualités de l'appareil.
Celui-ci était piloté par l'Oberleutnant Voss, chef de la Jasta 10, qui avait été le premier à l'essayer et qui, entre le 30 août et le 23 septembre 1917, date de sa mort en combat aérien, remporta vingt et une victoires sur son Dr.I. La même année, la Jasta 2 de von Richthofen, basée à Lagnicourt, en fut équipée. Mais bientôt deux accidents mortels se produisirent, qui amenèrent la constitution d'une commission d'enquête. Un examen attentif des Dr.l déjà en unité et des débris des triplans écrasés montra que la fabrication de certains éléments des ailes avait été trop rapide. Richthofen confirma ces conclusions, insistant cependant sur la grande carrière qui semblait s'ouvrir devant le Dr.I et sur l'urgence de sa mise en service.
Après avoir subi quelques modifications, l'avion reprit sa place au front en décembre 1917. Mais il avait déjà perdu la supériorité dont il bénéficiait quelques mois plus tôt. Il resta en opérations jusqu'à l'été de 1918 et fut très peu utilisé en dehors du Richthofen Geschwader. Le Dr.I fut produit à 320 exemplaires, dotés soit d'un Oberursel de 110 ch, soit d'un Le Rhône à 9 cylindres. Il atteignait 165 km/h à 4 000 m; son envergure était de 7,19 m, sa longueur de 5,77 m et son poids en charge de 586 kg. Son armement consistait en deux mitrailleuses Spandau.
Autre grande réussite de la maison Fokker : le D.VII, qui fut testé par les pilotes du front après la compétition d'Adlershof (janvier 1918). Ceux-ci s'étant montrés enthousiastes, l'armée passa de larges commandes aux usines de Schwerin. Dans sa conception, le Fokker D.VII rejoignait le Dr.l, avec son aile cantilever et son fuselage en tubes d'acier. L'avion fut introduit dans les formations volantes à la fin d'avril 1918, alors que la balance penchait inexorablement en faveur des Alliés.
La première unité à en être dotée fut le Geschwader Nr 1, formé des Jastas 4, 6, 10 et 11. Le nombre de Fokker engagés en première ligne augmenta à partir de l'été 1918 : de 407 à cette date il passa à 775 en novembre. Ils causèrent de grosses pertes parmi les formations françaises, britanniques, américaines et belges. C'est sans doute pour cette raison que les clauses de l'Armistice relatives à l'aviation stipulèrent que tous les Fokker D.VII devaient être livrés aux vainqueurs.
le F-AMBH L'Éveillée, l'un des derniers Fokker en service à Air France en 1938. Cet appareil était l'un des quelque vingt avions récupérés en 1932 sur le parc des compagnies dissoutes après la création de la Société centrale pour l'exploitation des ligne: aériennes qui devait prendre le nom d'Air France en août 1933 |
Après avoir regagné les Pays-Bas, Anthony Fokker y poursuivit jusqu'à la fin de 1920 la fabrication de D.VII, qui furent utilisés par les forces aériennes néerlandaises aux Indes orientales. Pendant la guerre, le Fokker D.VII fut également construit sous licence par la firme Albatros. Il reçut successivement le Mercedes D.III de 160 ch et le BMW.III de 185 ch.
Dans le premier cas, l'appareil présentait une envergure de 8,90 m pour une longueur de 7 m et un poids en charge de 850 kg. Il pouvait atteindre la vitesse maximale de 186 km/h à 1 000 m d'altitude.
Le Fokker D.VIII, monoplan parasol directement dérivé du Versuchflugzeug V.26, fut sélectionné par des pilotes d'essai lors d'une compétition entre différents chasseurs organisée par l'armée en avril 1918. Sa production débuta immédiatement, et il fut engagé en opérations dès le mois d'août. Mais trois exemplaires du E.V (comme il était désigné à l'origine) s'écrasèrent au sol par suite de ruptures au niveau des ailes. Ces accidents firent l'objet d'une enquête. Quelques unités touchèrent encore le nouvel appareil, mais celui-ci ne put faire ses preuves, les combats ayant cessé. La marine utilisa également quelques D.VIII. Le 1er novembre 1918, quatre-vingt-cinq d'entre eux combattaient sur le front de l'Ouest.
Dès ses premières productions, Fokker accorda un soin tout particulier aux conditions de confort à bord de ses avions commerciaux.Vues de l'aménagement intérieur d'un F-28 Fellowship spécialement décoré pour une haute personnalité algérienne |
Les premiers Fokker de transport
Fokker quitta l'Allemagne, plongée dans la révolution, dans un train emmenant cent vingt Fokker D.VII, soixante-dix Fokker C.I, une vingtaine de D.VIII, quatre cents moteurs et des milliers de pièces détachées. Officiellement reconnu comme constructeur hollandais le 21 juillet 1919, il s'installa à Schiphol, tout près d'Amsterdam, et entreprit, avec Reinhold Platz, de fabriquer des appareils de transport.
Le premier de ceux-ci fut le Fokker F-I, qui avait déjà effectué quelques vols en Allemagne. Il fut suivi par les Fokker F-II et F-III, que la KLM (lignes aériennes néerlandaises) maintint en service jusqu'en 1931, et dont certains exemplaires survécurent jusqu'en 1936. Le F-II, construit en vingt-cinq exemplaires, était propulsé par un BMW.IIIA de 240 ch et atteignait le poids de 1 900 kg. Il pouvait emporter quatre passagers et volait à 120 km/h. Le F-III (trente-cinq unités) vola pour la première fois en 1921 avec un moteur Amstrong Siddeley Puma de 240 ch, actionnant une hélice bipale. Il atteignait 135 km/h et son poids en charge avoisinait 2 000 kg.
Cet appareil, susceptible d'emporter cinq passagers, fut utilisé sur la première ligne aérienne civile mise en place en Russie soviétique. 11 s'agissait de la Deutsch-Russische Luftverkehrsgesellschaft GmbH, plus connue sous l'abréviation de Deruluft. Inaugurée en mai 1922, elle débuta son activité en assurant le transport du courrier deux fois par semaine entre Moscou et Koenigsberg avec huit Fokker F-III. Le nombre des appareils passa ensuite à vingt-trois, dont deux Fokker F-III modifiés et un Fokker F-V.
Au mois de mai 1923, un Fokker T-2 de l'US Army, équipé d'un moteur Liberty de 400 ch, accomplit, en 26 h 50 mn 3 s, la première liaison sans escale entre les côtes est et ouest des États-Unis. Ce succès démontrait l'excellente qualité du matériel mis au point par le constructeur hollandais. Deux ans plus tard, séduit par la formule trimoteur que Junkers venait d'expérimenter, Fokker fit construire un avion du même type, qui prit l'air le 4 septembre 1925. Le F-VII/3m, désignation officielle du nouvel appareil, était une conversion du monomoteur de transport F-VIla. Il fallut à peine sept semaines aux usines de Schiphol pour réaliser le F-VII/3m, et ce, à partir des instructions télégraphiques données par Anthony Fokker, qui séjournait alors aux États-Unis.
un F-VII portant la lettre H attribuée aux avions civils néerlandais avant l'adoption de l'immatriculation PH; le F-VII/3m Bird of Paradise utilisé par les Lieutenants Hegenberger et Maitland, de l'USAAC, pour le premier vol non-stop de Californie à Hawaii, en juin 1927. |
Il s'y était rendu pour présenter son Fokker VIIa/3m dans une grande manifestation aéronautique de l'époque, le Ford Reliability Tour. Après des essais effectués à Wright Field, centre d'expérimentations de l'US Army Air Corps, Edsel Ford décida d'acheter l'avion et de le confier au Commander Richard Byrd, de l'US Navy. La famille Ford avait en effet financé une expédition aérienne vers le pôle Nord dont l'officier de marine devait être le chef. Le Fokker F-VIIa/3m, baptisé Josephine Ford, reçut trois propulseurs Wright Whirlwind de 220 ch et mena son équipage au-dessus du pôle. L'avion de Byrd était l'authentique prototype d'une série d'appareils commerciaux qui connurent un très important succès.
Un autre Fokker trimoteur, un F-VIlb/3m, le Southern Cross, se rendit célèbre en réussissant la première traversée aérienne de l'océan Pacifique, avec un équipage composé de Kingsford-Smith, Ulm, Lyon et Warner. A court d'argent, Kingsford-Smith se demandait de quelle façon il allait pouvoir mener à bien son projet de relier la côte ouest des États-Unis à l'Australie. Il eut la chance de rencontrer le Captain G. Allen Hancock, qui accepta de fournir les fonds nécessaires à l'achat d'un avion, des moteurs et de tous les instruments spéciaux.
La Douglas Aircraft de Santa Monica se chargea du travail délicat de mise au point. Grâce à de nombreuses modifications, le Fokker pouvait emporter 5 900 litres de carburant, répartis dans trois réservoirs (un dans chaque aile et un autre dans le fuselage). Les ingénieurs de chez Douglas avaient également mis au point un système vide-vite qui permettait aux aviateurs d'expulser en quelques secondes tout le contenu de ces réservoirs en cas d'atterrissage forcé. A l'aube du 31 mai 1928, le Southern Cross décollait d'Oakland Airport, près de San Francisco, et après deux escales, à Honolulu et à Suva, il se posait en Australie le 9 juin 1928. Cette traversée ajouta à la renommée de Fokker, dont le nom se trouva ainsi associé à l'ouverture des grandes routes aériennes.
le trimoteur Southern Cross qui, avec à son bord Kingsford-Smith (premier pilote), T.P. Ulm (second), H.W. Lyon (navigateur) et J.W. Warner (radio), effectua la première traversée aérienne du Pacifique, de Californie en Australie . |
Un an plus tard, un autre Fokker trimoteur F-VIIb/3m survolait l'Atlantique d'ouest en est, avec à son bord Stulz, Gordon et l'aviatrice américaine Amelia Earhart. Le Friendship, tel était son nom, avait été racheté à Byrd, qui comptait l'utiliser pour une expédition vers le pôle Sud, mais s'en était finalement dessaisi au profit d'un trimoteur Ford.
En 1928, Fokker lança sur le marché américain, par l'intermédiaire de la Fokker Aircraft Corporation of America, le Fokker F-XA trimoteur et un hydravion, le Fokker F-XIA, considérés à l'époque comme les appareils les mieux conçus dans leurs spécialités. Avec son moteur Pratt & Whitney de 525 ch monté au-dessus de l'aile et sa cabine aménagée pour sept passagers, le F-XIA était le premier hydravion créé pour un usage commercial. Il fut acheté par deux milliardaires américains : Harold Vanderbilt et Gar Wood; il assura également une liaison entre San Francisco et Oakland. Mais les ventes ne furent jamais à la hauteur des espérances de Fokker, et la firme hollandaise se retrouva avec plus d'une vingtaine de coques d'hydravions inutilisées dans son usine d'Amsterdam.
Les avions de ligne à long rayon d'action
En 1930, Fokker construisit un nouvel appareil pour répondre aux exigences du temps : transporter de nombreux passagers sur de longues distances avec tout le confort possible. Il s'agissait du Fokker F-XII, monoplan capable d'emporter seize personnes. Trois moteurs Pratt & Whitney de 1 650 ch au total propulsaient cet avion, qui atteignait 7 450 kg en pleine charge et volait à 200 km/h, performance assez remarquable. Onze F-XII furent fabriqués aux Pays-Bas et deux autres construits sous licence au Danemark. Ils servirent principalement dans la KLM, les lignes aériennes danoises, la Svensk Flygtjànst suédoise et la British Airways (pour des vols au-dessus de la Manche).
un des cinq Fokker F-XXXII en service à la Western Express, qui, en 1937, était la seule compagnie aérienne à utiliser ce trimoteur; un sixième appareil était réservé à l'usage personnel d'Anthony Fokker. |
Le premier quadrimoteur de Fokker fut le F-XXXII, mis au point en 1929 par la Fokker Aircraft. Cet appareil effectua son premier vol au mois de septembre 1929. Il fut d'abord équipé de quatre moteurs Pratt & Whitney de 525 ch de puissance unitaire, couplés sur deux nacelles selon la formule push-pull, qui furent, par la suite, remplacés par quatre Hornet de 575 ch. Le fuselage avait été divisé en quatre compartiments de huit sièges. Dix exemplaires de cet avion furent construits.
Malheureusement, le prototype, destiné à Universal Air Lines, s'écrasa au voisinage de Roosevelt Field, près de New-York, le 27 novembre 1929. Ce qui amena la compagnie de transport américaine à renoncer à l'option qu'elle avait prise sur cinq exemplaires. Par contre, la Western Air Express en acheta deux, puis, satisfaite de leurs services, en commanda trois autres. Ces avions relièrent plusieurs années durant San Francisco à Los Angeles. De son côté, Fokker utilisa souvent le Fokker F-XXXII pour ses déplacements d'affaires aux États-Unis.
La Nederlandsche Vliegtuigenfabriek (nom de la firme Fokker aux Pays-Bas) réalisa son premier quadrimoteur en 1931 : le Fokker F-XIX. Quatre moteurs Gnome-Rhône devaient équiper cet appareil, qui ne parvint cependant pas au stade de la construction. Un autre quadrimoteur, le Fokker F-XXVI, fut créé en 1934 en réponse à une spécification de la KLM, qui recherchait du matériel pour équiper ses lignes européennes et extrême-orientales. Le F-XXVI présentait encore les caractéristiques essentielles des productions Fokker : tubes d'acier et fabrication en bois. Il devait pouvoir transporter trente-deux passagers et quatre membres d'équipage, grâce à la puissance de ses quatre moteurs Wright Cyclone de 750 ch.
vue aérienne du siège de la société Fokker sur l'aéroport international d'Amsterdam-Schiphol dans les années trente. |
Sur les six appareils dont la sortie était programmée, un seul, le PH-AJA, fut effectivement fabriqué. En fait, l'apparition du Douglas DC-2, entièrement métallique, rendit superflue la mise en service du Fokker F-XXVI. Le PH-AJA ne vola jamais sur les lignes extrême-orientales de la KLM. En 1939, il fut vendu à une compagnie aérienne britannique, et la RAF le transforma en avion d'entraînement pendant la guerre.
Le seul Fokker F-XXVI livré à la KLM en 1935. Ce quadrimoteur pour vingt-quatre passagers fut le plus gros appareil construit par Fokker avant la guerre. Il se trouva surclassé par une nouvelle génération d'avions dans la ligne des DC-2 et des DC-4 américains |
Une version plus réduite du F-XXVI, le F-XXII, vit le jour en 1934; il devait être employé sur les lignes européennes de la KLM. Son envergure et sa longueur étaient inférieures respectivement de 3 m et de 2,13 m à celles du F-XXVI. Ses moteurs étaient des Pratt & Whitney Wasp T1 Dl de 500 ch. Vingt-deux passagers pouvaient y prendre place. Le F-XXII fut construit en quatre exemplaires, dont deux furent terminés en mars 1935 et les deux autres, deux mois plus tard. Une compagnie suédoise, l'AB Aerotransport, acheta l'un d'entre eux et le fit voler entre Malmö et Amsterdam jusqu'en I936, date à laquelle il fut accidenté dans le port suédois. Deux autres furent utilisés par la KLM au-dessus du continent européen, avant d'être rachetés par des compagnies britanniques puis employés par la RAF pendant la guerre.
Fokker tenta alors d'adapter sa production aux techniques aéronautiques modernes en lançant un appareil équipé d'un train d'atterrissage rétractable et de moteurs plus puissants : le Fokker F-XXIII. Prévu pour vingt-quatre passagers et quatre membres d'équipage, celui-ci resta à l'état de projet. Le Fokker F-LVI, avion bipoutre dessiné en 1937, devait transporter cinquante-six personnes dans la section centrale de voilure et marquer la transition entre les méthodes de construction anciennes et l'emploi du fuselage entièrement métallique. Lui aussi resta au stade du bureau d'études, de même que l'avion transatlantique Fokker F-LX ou le Fokker F-180 (pour lequel la firme avait enfin adopté la numérotation en chiffres arabes).
En 1939, la KLM décida de se débarrasser de ses quadrimoteurs Fokker, dont elle n'avait plus l'usage, et les mit en vente. Un Fokker F-XXII, le Roerdomp, fut acheté par les British American Air Services de Heston. Arrivé en Grande-Bretagne en août 1939, il reçut l'immatriculation civile G-AFXR. Un mois plus tard, un F-XXII et un F-XXXVI étaient acquis pour l'entraînement à la navigation des élèves de la base de Prestwick, dont le développement avait été accéléré en raison des menaces de guerre. Ils furent respectivement immatriculés G-AFZP et G-AFXR. Le Fokker F-XXXVI fut détruit au décollage, le 21 mai 1940. A la fin de la guerre, il ne restait qu'un seul survivant : le Fokker F-XXII G-AFZP, auquel l'armée avait attribué l'immatriculation HMI60. L'appareil reprit ses fonctions civiles d'abord dans le cadre de la Scottish Airlines puis, en 1946, au sein de la BEA. Il termina sa carrière en I952, près de vingt ans après sa mise en service.
Aux couleurs françaises
A la fin des années vingt, les productions Fokker dominaient en Europe le marché de l'aviation commerciale. Faute de disposer d'un matériel national adapté, les compagnies françaises durent, à leur tour, faire appel au constructeur néerlandais.
La première commande émanant de la CIDNA (Compagnie internationale de navigation aérienne) porta, en 1929, sur sept F-VIIa équipés de moteurs français Gnome-Rhône Jupiter 9 Ady de 450 ch. L'année suivante, la STAR (Société des transports aériens rapides) acheta trois F-VIIa pour son réseau intérieur.
Version trimoteur du précédent, le F-Vllb/3m pénétra le marché français vers 1930, avec l'achat par Air Orient de sept premiers appareils destinés aux lignes de Syrie et d'Indochine. Maigre compensation à la perte d'un marché national, ces derniers reçurent des Gnome-Rhône Titan 5 Ba ou 5 Bc de 240 ch, ou encore des 7 Kdr de 350 ch.
De nouveaux avions furent acquis jusqu'en 1933, et quelques F-VIIa, transformés en F-VIIb/3 m. A sa création, en cette même année 1933, Air France hérita d'une grande partie du parc aérien des compagnies dissoutes, soit près de deux cents appareils, au nombre desquels vingt et un Fokker, dont quatre F-VIIa et dix-sept F-Vllb/3m. Ces derniers furent principalement affectés au transport de fret sur l'ensemble du réseau de la compagnie.
En I937, onze appareils étaient encore opérationnels (huit en Orient et trois en Amérique du Sud). Cinq passèrent en réserve : quatre sur le réseau continental (Paris-Londres) et un sur les lignes africaines. A la veille de la Seconde Guerre mondiale, sur les vingt-neuf Fokker immatriculés en France dix-sept portaient encore les couleurs de la compagnie nationale.
Les appareils de combat
Après s'être installé aux Pays-Bas, Fokker conserva la terminologie allemande de la Première Guerre mondiale pour désigner ses multiplaces de reconnaissance, de bombardement léger et d'attaque, à savoir la lettre C. Après le C.I, un biplan propulsé par un BMW de 185 ch, mis au point en 1919, Fokker construisit une longue série d'appareils similaires, que de nombreux pays (Pays-Bas, U.R.S.S., Argentine, Espagne, Italie, États-Unis, Finlande, Bolivie, Japon, Norvège, Suisse, Hongrie, Suède) intégrèrent dans leurs aviations militaires. Citons le C.IV (moteur Napier Lion de 450 ch), le C.VA (moteur Liberty de 420 ch), le C.VD (moteur Hispano-Suiza de 450 ch) et le C.IX, de 1930 (moteur Hispano-Suiza de 650 ch).
le biplace d'entraînement S.11, en service à une quarantaine d'exemplaires dans l'aviation militaire néerlandaise et construit sous licence par les établissements Macchi, en Italie, sous la désignation M-416 |
Il exista également une version maritime du C.VIII, le C.VIIIW, dont la marine néerlandaise acheta neuf exemplaires. Le plus connu des types C fut sans doute le C-X, biplan destiné à la reconnaissance et au bombardement, mû par un propulseur de 650 ch Rolls-Royce Kestrel V en ligne. Pour un rayon d'action de 800 km, cet appareil, fabriqué à trente-six exemplaires, atteignait une vitesse de 320 km. Il fit son apparition en 1935, et l'armée hollandaise en prit une vingtaine en compte trois ans plus tard. Une dizaine d'entre eux furent affectés aux Indes orientales pour le maintien de l'ordre. Ils étaient encore en service lors de l'attaque allemande sur les Pays-Bas, en mai 1940.
La Finlande acheta quatre de ces avions et en construisit trente-cinq autres sous licence, avec des moteurs Pegasus (le train d'atterrissage conventionnel fut parfois remplacé par des skis). Les premiers C-X avaient un cockpit ouvert puis celui-ci fut fermé. Ils emportaient une charge de bombes de 400 kg. Le C.XIW (moteur Wright Cyclone de 775 ch) était un hydravion biplace et biplan dont dix-huit unités furent livrées à la marine néerlandaise en 1938 (les navires de guerre Tromp et De Ruyter avaient été équipés de catapultes capables de lancer ses avions). En mai 1940, les marins reçurent vingt et in exemplaires d'un autre hydravion, le C.XIVW moteur Wright Whirlwind de 425 ch), destiné à la reconnaissance. Mais, sous-motorisé, il fut affecté à l'entraînement.
Quelques Fokker commerciaux de type F-IX, F-XII, F-XVIII et F-XX acquis par le ministère de l'Air au profit de la République espagnole furent sabotés au Bourget, en 1936, par une organisation fasciste.
Après la Première Guerre mondiale, Fokker reprit également la fabrication des types D. De I919 à 1922, certains pays européens avaient utilisé les Fokker D.VII et D.VIII de 19I8. Puis le constructeur hollandais se remit à l'oeuvre et, en I922, sortit son premier appareil de chasse, le D.IX, un biplan propulsé par un Hispano-Suiza de 300 ch et pourvu de deux mitrailleuses. Cet appareil, dont la forme rappelait celle du D.VII, fut suivi par le D.X (10 exemplaires), le D.XI (I77 exemplaires), le D.XII (un sesquiplan), le D.XIII (50 exemplaires), le D.XIV (premier monoplan de ce type), le D.XVII (qui connut une certaine renommée bien que 12 exemplaires seulement en aient été construits) et, enfin, le D.XXI, l'un des meilleurs chasseurs réalisés à l'époque par Fokker.
Ce monoplan, qui vola pour la première fois le 27 mars I936, avait en fait été dessiné pour servir dans les formations aériennes des Indes orientales, mais, par suite d'un changement de politique, il fut accepté par les armées néerlandaise, danoise et finlandaise. En I937, le gouvernement des Pays-Bas en commanda trente-six exemplaires dotés d'un moteur Mercury VII/VIII de 830 ch. La même année, l'aviation finlandaise (Ilmavoïmat) en acheta sept et acquit la licence de production de l'appareil, dont elle construisit quatre-vingt-treize unités (cinquante-cinq d'entre elles furent équipées du moteur américain Twin Wasp). Le Danemark, lui aussi, en fabriqua une dizaine, et le gouvernement espagnol s'intéressait à l'acquisition d'une licence de construction lorsque survint la guerre civile.
Le Fokker D.XXI reçut un armement de deux mitrailleuses de 7,9 mm tirant à travers le champ de l'hélice, plus deux autres logées dans les ailes. Dans la version finlandaise, les quatre armes se trouvaient dans la voilure. Le Fokker D.XXI participa à la guerre défensive menée par la Finlande contre l'U.R.S.S. de novembre 1939 à mars 1940. Le 22 juin 1941, quand l'Allemagne déclara la guerre à l'U.R.S.S., les Finlandais reprirent le combat dans le but de reconquérir les territoires qui leur avaient été arrachés un an plus tôt. A partir de 1942, les D.XXI, désormais démodés, furent souvent affectés à des missions de reconnaissance.
le bimoteur S.13 Universal Trainer, resté au stade de prototype en 1951 (photo Fokker); en bas, le S.14, premier avion à réaction de la firme, sorti aussi en 1951 et commandé à vingt exemplaires par l'armée néerlandaise, qui l'utilisa jusqu'en 1965 |
Deux ans plus tard, ils faisaient encore partie de l'ordre de bataille de l'llmavoïmat. Ils effectuèrent leur dernier vol en septembre 1948. Les D.XXI danois furent détruits au sol lors du mitraillage du terrain de Vaerlose par les Allemands, le 9 avril 1940. Quant aux D.XXI néerlandais, qui équipaient trois groupes de chasse (Jachtvliegtuig Afdeling) en mai I940, ils furent surclassés par les Messerschmitt Bf-I09.E, mieux armés et plus rapides.
Le D.XXXIII, apparu pour la première fois au Salon de l'aéronautique de novembre I938 à Paris, fut une réalisation assez peu orthodoxe de la firme néerlandaise. Possédant des bâtis-moteurs avant et arrière, cet appareil bipoutre de formule push-pull, fut l'un des premiers avions entièrement métalliques imaginés par Fokker. Le pilote prenait place dans un fuselage central spacieux, entre les deux propulseurs, qui le protégeaient des obus ennemis. L'appareil était armé de deux mitrailleuses Browning-FN de 7,9 mm dans le capot-moteur et de deux autres de I3,2 mm dans les premières travées des poutres porte-empennages. Initiative privée, le Fokker D.XXIII offrait une très grande maniabilité et une stabilité appréciable. Un seul prototype fut construit. Endommagé en mai 1940, il retint l'attention des Allemands, qui transférèrent ses moteurs Walter Sagitta de 528 ch en Allemagne.
Autre bipoutre du plus grand intérêt : le G.I (chez Fokker, la lettre G désignait les appareils de bombardement léger et d'attaque au sol), qui possédait un armement puissant installé dans le nez (deux canons Madsen de 23 mm et deux mitrailleuses de 7,9 mm de même fabrication). Ce bimoteur biplace donna naissance à deux développements : le G.IA et le G.IB. Le premier reçut deux Bristol Mercury de 830 ch et fut aménagé de telle façon qu'un troisième membre d'équipage pût y prendre place (sur quatre exem- plaires). Le G.IB, plus petit, connut un vif succès. Il fut 1 commandé par le Danemark, l'Estonie, la Finlande, la Suède et l'Espagne. Les G.IA firent bonne figure i contre la Luftwaffe pendant la courte bataille du mois 1 de mai 1940, épaulés par trois G.IB dont le départ pour la Finlande avait été différé.
L'avion le plus caractéristique de la série T (appareils de reconnaissance, de bombardement et de torpil- i lage) fut le T.V, un bombardier moyen équipé de deux moteurs Bristol Pegasus de 925 ch. Monoplan bidérive, il emportait un équipage de cinq hommes : un pilote, 1 un copilote mitrailleur, un radio mitrailleur, un mitrail- leur de queue et un mitrailleur de nez. Son armement consistait en six mitrailleuses et, quelquefois, un canon i Solothurn de 20 mm dans la tourelle de nez. Trente- I quatre T.V furent fabriqués, dont huit participèrent aux combats de mai 1940. I1 n'y eut qu'un seul survivant.
Un autre bombardier moyen fut mis au point en i 1939 pour des missions coloniales : le T.IX. Avec ses I deux moteurs Bristol Hercules de 1 375 ch, cet appareil entièrement métallique emportait un équipage de quatre à cinq hommes. Seul le prototype vola, et la guerre éclata avant que la production pût démarrer.
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