Balade au Canada en Hydravion
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Balade au Canada en Hydravion
Devinette : Que peut bien faire un pilote qui circule en avion, le moteur au ralenti, le réchauffage carburateur sur chaud, l’allumage sur une seule magnéto, les volets baissés, la radio éteinte et qui en plus ouvre de temps en temps une porte ?
Oui vous là-bas dans le fond ?
- "Pitinggg ! keskejenaiafoutre, là ! Il fasse pipi par la porte, non ?"
Non il n’est pas en train de faire l’imbécile en urinant en plein vol, mais c’est bien vu, ça aurait pu être ça.
La bonne réponse est : il est entrain de circuler en hydravion sur l’eau dans des conditions marginales de vent et de vagues et il vérifie une fois de plus que si un hydravion est déjà un avion aux performances aéronautiques limitées, c’est en plus un très mauvais bateau.
-"Bon, OK, abrégez, là, on ne va pas y passer la nuit, piting !"
Après cette petite intro, l’objet de mon récit de voyage, vous l’aurez deviné ce sont les hydravions.
-"Je connasse, là, je suisse vécu au Canada et je sais qu'en anglais de là-bas on dit seaplane ou floatplane, tandis que les Québécois disent familièrement flottes et les français qui ne font jamais rien comme tout le monde parlent d'hydravions ou d'avions à flotteurs, piting !"
Jusqu’à présent j’allais au Québec pour satisfaire mon coupable penchant, mais, depuis quelque temps, il est devenu impossible d’y voler solo et encore plus de partir seul plusieurs jours avec un hydravion. Ce n’est même pas une question de prix, les assurances refusent d’entrer en matière. J’avais donc décidé d’explorer d’autres possibilités et notamment un Lodge en Colombie britannique qui m’avait affirmé que l’on pouvait voler solo sur leur Super-Cub.
Après quelques jours passés à Vancouver et sur la côte à faire du tourisme sous la pluie, je suis remonté droit au Nord vers Williams Lake, plus exactement à Ten-ee-ah Lodge à 45 minutes de piste du Lac la Hache.
Pour voler au Canada, les questions administratives de validation de licence deviennent simples dès que l’on ne doit pas interagir avec des gens ou une administration qui sont convaincus d’être les plus compétents du monde.
En une demi-heure dans les bureaux de transport Canada, sur présentation de sa licence et de son titre médical, on obtient une validation de licence valable un an, c’est tout.
On peut aussi faire ça par correspondance depuis l'Europe avec le bureau de Vancouver par exemple. C’est ce que j’avais fait avant de partir.
-"Bon, OK, je vous lis d'une oreille attentive en vous écoutant avec mes yeux écarquillés..." !
Premier jour.
Premier contact avec le pilote instructeur de Ten-ee-ah Lodge sur Spout Lake, Greg Messner, un petit tour du Super-Cub, C-FYNM, au quai, quelques infos rapides.
Je n’ai jamais volé en Super-Cub, que ce soit un modèle sur roue ou sur flotteurs, mais à part les volets en plus et les 150 chevaux, ça ne diffère pas trop de l’OQL.
C’est un vrai avion de brousse comme je les aime, la peinture un peu écaillée, l’équipement réduit au minimum, une radio qui ne se mettra jamais en marche en 15 heures de vol, un compas un peu erratique et c’est tout, pas de VOR, d’ADF ni de conservateur de cap.
Seul un ancien fusible témoigne de la présence passée d’un LORAN, relique d’une époque où, comme le racontait un vieux pilote de brousse, on faisait des percées IFR au LORAN dans les vallées du grand Nord. Pas de GPS non plus..., beaucoup de pilotes de brousse, et je partage leur avis, pensent que si vous avez besoin d’un GPS pour naviguer en brousse, c’est que vous n’y avez pas vraiment votre place.
Seule concession à la modernité, un démarreur, luxe pas désagréable sur un hydravion.
-"J'ai pas bien compris le Loran en IFR avec le VOR d'ADF, là...".
On fait les derniers contrôles, huile et essence, on pompe les caissons des flotteurs qui se remplissent toujours un peu dans la journée.
On largue les amarres, on place l’avion face au vent et la première chose à faire tout de suite, à peine assis, c’est de démarrer le moteur.
Un hydravion n’a pas de frein et dès qu’il est détaché, il se met face au vent et recule, en général là où il ne faut pas.
Master : "on", réchauffage carbu : "froid", mélange : "riche" et j'appuie sur le bouton du démarreur, 800 rpm et je descends les safrans.
Seulement après, on prend le temps de s’installer, écouteur, ceintures etc…
Pas de check-list, Greg me dit qu’il a fait un essai moteur ce matin mais que, si ça me rassure, je peux toujours en faire un, l’air de sous-entendre que ces gens des villes ont de drôles de manies qu’il ne comprendra jamais.
L’avion est face au vent, je règle le compensateur un peu en arrière du neutre, un cran de volets, manche à fond en arrière, 1700 rpm, je vérifie les magnétos, le réchauffage carbu et le mélange, tout est OK, reste plus qu’à remonter les safrans du gouvernail, je garde le manche bien à fond et met plein gaz.
Le Super-Cub se cabre en deux temps et quand il a fini de se cabrer, lentement je relâche le manche pour passer sur le redan, l’avion surfe sur l’eau et accélère.
Il faut un peu chercher le point d’équilibre sur le redan, là où les flotteurs offrent le moins de résistance.
À 50 mph je commence à tirer gentiment sur le manche et subitement l’avion "pop" hors de l’eau, le bruit de l’hélice change et depuis deux ans que ça ne m’était pas arrivé, je suis à nouveau en l’air sur un hydravion. Je suis heureux, mais vite il faut agir, les hélices des hydravions ont un plus grand diamètre que celles des avions sur roues et surtout ont un petit pas, de ce fait on peut facilement mettre le moteur en surrégime.
Sur ce Super-Cub on reste en effet de sol jusqu’à acquérir 60 mph et l’on monte à 60 puis 70 mph quand on a rentré les volets et l’on réduit les gaz en faisant attention à ne pas excéder 2400 rpm.
Tout de suite, je retrouve les sensations particulières de voler un hydravion et qui surprennent au début.
Le balan et la traînée des flotteurs sont tels que durant les premières heures garder la bille non pas au centre mais ailleurs que coincée sur une des extrémités du tube est déjà une réussite.
En croisière, à 2300 rpm, on avance à 80 mph.
-"Piting ! J'en ai le mal de l'air, là...".
Les lacs ici sont assez hauts, entre 3000 et 4000 pieds.
Seuls les pilotes d'hydravions apprécieront, pour les autres il suffit de dire par exemple que dans le manuel de vol du 172 sur flotteurs, Cessna n’a même pas pris la peine de donner les performances au décollage à des altitudes supérieures à 4000 pieds, tant elles sont réduites.
À pleine charge, dans le Super-Cub, à 4000 pieds on a rarement dépassé les 500 pieds par minutes.
Je monte à 4500 pieds soit 1000 pieds sol et on se dirige vers le prochain lac, à quelques minutes de vol. C’est alors que je réalise que la gentille petite brise que l’on avait au décollage dans le lac bien abrité du départ, est en fait un bon vent de 25 nœuds avec des rafales.
Oups ça va être chaud pour une reprise en main.
Déjà on arrive sur le lac, c’est un grand lac facile en temps normal, mais là les vagues ont bien eu la place de se former et le lac est blanc d’écume, seul avantage, il n’y a pas de doutes sur le sens du vent.
Greg me donne les indications de vitesse et de rpm pour le circuit.
J’arrive en courte finale, prêt à arrondir, mais vraiment les vagues m’ont l’air bien formées et je lui dis que certes on peut poser s’il le faut mais quand même c’est un peu limite pour un posé-décollé pour un entraînement vu l’état du lac.
Greg est du même avis et je remets les gaz.
-"Piting !".
On part vers le lac suivant, même état.
Greg m’indique le cap vers un troisième lac et me dit que, en chemin, il est sur d’en trouver un qui est calme, là-bas dans la trouée.
Je regarde, ce n’est pas un lac c’est un bras mort de rivière, d’accord, il est tout calme et fait deux kilomètres de long, mais il fait 20 m de large, est encaissé et bordé d’arbres de 30 m de haut de chaque côté, il se fiche de moi ou il est sérieux ?
Bon ben, on va aller voir.
Là, commence les plaisirs de l’hydravion.
Il faut tout réinventer à chaque fois, inspecter le lac, vérifier l’absence de rochers immergés, de souches, de barques de pécheurs, prévoir où et comment on va accoster, puis inventer une volte sécuritaire et repérer aussi celle que l’on fera pour redécoller.
Je fais un passage d’inspection à 6 ou 700 pieds sol, en expliquant à Greg ce que je regarde et ce que je décide de faire, le circuit et là où j’ai l’intention de poser, après tout si j’espère qu’il me laisse voler solo, il faut que je fasse preuve de ma bonne éducation hydravionnesque.
En courte finale, je m’enfile dans le trou entre les arbres vers le marais à l’extrémité du lac, les arbres passent bien près de chaque côté des ailes pour des standards sur roues, mais j’ai tellement vu pire.... J’arrondis et je remets 1500 rpm.
Sauf nécessité, on préfère garder de la puissance pour se poser, un peu comme sur skis.
Il y a trois choses critiques à contrôler, l’attitude, la vitesse et l’attitude.
La marge de sécurité comparée aux avions à roues est très réduite, tout se passe à quelques degrés près, trop incliné on rebondit salement, et si on ne reprend pas les choses en main tout de suite, la situation devient vite critique, on rebondit de plus en plus haut avec une vitesse de plus en plus faible et quelque chose finit par casser, trop plat on fait des ricochets et soit on se retrouve dans le problème précédent soit on utilise la longueur du lac pour finalement amerrir.
Je me pose finalement entre les plans de lentilles d’eau, pas trop loin d’où j’en avais l’intention et pour un avion avec lequel je vole pour la première fois, je trouve que je me suis sorti honnêtement de ce premier essai.
Mais pas le temps de s’attarder si on veut faire un poser-décoller, il faut vite remettre de la puissance pour rester sur le redan et éviter de trop perdre de la vitesse, derniers contrôles et pleine puissance pour redécoller avant les arbres qui approchent.
-"Super !"
Le lac suivant n'est à nouveau pas fréquentable, il ne reste plus que les petits, bon eh bien faudra faire avec, de toute façon avec le vent qu’il y a, ça facilitera les choses pour poser court.
Justement on vient juste d’arriver au-dessus du village de "108 mile house" sur la route principale et sur un petit lac à côté il y a une hydrobase.
À nouveau, vol d’inspection et atterrissage bien face au vent, les vagues sont raisonnables mais déjà comme ça, on sent toute la cellule de l’avion qui souffre.
Soit on arrête tout de suite, soit on repart, mais on ne reste pas comme ça sur le redan à éprouver l’avion.
On repart. « Oui, c’est bien, mais si on veut aller à l’hydrobase là-bas ça serait mieux de poser dans cette direction du lac », « oui, mais avec ta trajectoire, j’ai un bon vent de travers », je réponds « justement, c’est pour ça qu’on va la faire ».
-"Bon, ça devient intéressant, je suisse là à espérer un crash qui donnera de l'action à cette histoire, car je commence à fatiguer, là !"
Les hydravions n’aiment vraiment pas le vent de travers, comme il est beaucoup plus difficile d’estimer la hauteur sur l’eau que sur terre et que de plus poser en dérapage peut être fatal. On ne décrabe pas l’avion au dernier moment mais, dès la finale, on garde l’avion en glissade, manche dans le vent, pied opposé de sorte que les flotteurs soient bien alignés avec la trajectoire de l’avion et, bien entendu, on se pose d'abord sur un seul flotteur.
Quand le vent est fort et régulier on peut même faire tout le poser-décoller sur un seul flotteur !
C’est ce que je fais, mais honnêtement je ne sais pas quelle est ma part et celle de Greg dans l’atterrissage.
Au passage, je découvre une des particularités du Super-Cub, par vent de travers de gauche, pour pousser le manche à fond à gauche, on doit s’écraser le genou entre le manche et la commande des volets.
« Oui, ils en ont fabriqué plus de 10 000 et ils ne se sont jamais rendu compte du problème » me dit ironiquement Greg, « on va en faire dans l’autre sens, ça sera plus facile ».
Effectivement, c’est quand même mieux et celui-là je pense en avoir fait la majeure partie.
On met le cap vers le lac La Hache, c’est un grand lac, mais il y a des petites baies abritées des vagues et l’on peut faire un ou deux poser-décoller.
Il est temps de rentrer.
L’atterrissage final est tellement doux que je demande à Greg si c’est moi ou lui qui a posé l’avion, il m’affirme n’avoir touché à rien, bigre !.
Ma première impression est qu’un Super-Cub sur flotteurs semble bien plus facile à voler qu’un 172.
Mais avant que tout soit fini reste encore une étape: accoster.
Tout d’abord, comme il va falloir sortir vite de l’avion pour le contrôler et l’amarrer, il faut couper la radio, retirer le casque, détacher la ceinture et ouvrir la porte.
Source invariable de gags quand on débarque précipitamment, les écouteurs encore sur la tête, après avoir charogné parce qu’on a aussi oublié de retirer sa ceinture et que l’avion est en train de s’éloigner gentiment mais sûrement du quai.
Le dernier point c’est estimer quand, en fonction du vent et de la configuration des lieux, couper le moteur pour arriver avec une vitesse nulle au quai, en règle générale, pour des raisons simples à comprendre on accoste face au vent, oui mais sur le Cub, il n’y a pas de porte à gauche et justement c’est toujours de ce côté-là que le vent voudrait que l’on accoste.
Heureusement il y a un quai en forme de T prévu à cet effet et l’on accoste en laissant lentement le vent pousser l’avion vers le quai.
Pour une prise en main, c’était magnifique et vite je demande à quelle heure on remet ça le lendemain. Rendez-vous est pris pour le milieu de la matinée.
-"Oui, je crois que je vais aussi prendre rendez-vous demain pour la suite, là, non ?"
Deuxième jour.
Il fait beau et presque plus un souffle.
L’avantage d’être venu un peu hors saison est que les gens sont plus disponibles.
On décide d’en profiter pour allier hydravion et tourisme.
Greg propose d’aller me montrer la cabane qu’il s’est construite sur les rives du lac Mitchell, au pied des Cariboo Mountains.
C’est à une heure et demie de vol d’ici et en chemin, on ferra des posé-décollés sur les multiples lacs que l’on va survoler.
Départ un peu laborieux avec l’avion à pleine charge et avec l’altitude.
Je prends plein Nord et quand Greg me dit de monter à 7000 pieds pour passer la première chaîne de montagnes, je regarde le vario qui oscille péniblement autour de 300 pieds par minutes alors que je suis à Vy, je me dis que ça va prendre un certain temps.
Mais non, finalement on y arrive.
Il fait beau, quelques nuages, mais pas chaud, les premières chutes de neige de la mi-septembre sont déjà descendues jusque vers 5000 pieds.
On fait cap vers le lac Quesnel, un lac en Y, large de juste un ou deux kilomètres mais long de 70 miles nautiques, près du double du lac Léman.
-"C'était-y pas plus fastoche de voler au dessus du Léman plutot que d'aller au Canada, non ?"
En une heure de vol, on croise juste quelques pistes, des lacs, de la forêt et quelques habitations sur le bord des lacs, comme si en volant depuis la Franche-Comté jusqu’au pied des Alpes Bernoises, il n’y avait que lacs et forêts à perte de vue, et quasiment personne.
Un sentiment de nature sauvage que l’on ne peut plus trouver en Europe.
À l’extrémité de la branche Nord du lac Quesnel, la vallée se referme soudainement par un verrou glaciaire et derrière il y a le lac Mitchell, c’est un beau lac au pied de montagnes enneigées et d’un beau bleu-vert des eaux de fontes des glaciers environnants.
Greg m’indique sa cabane sur la rive Ouest et la petite plage où l’on accoste.
Il n’y a pas de risque de confusion, la deuxième cabane sur le bord de ce lac est à l’autre extrémité à cinq ou six kilomètres de là.
Le lac ne m’a pas l’air vicieux, juste dans une vallée un peu étroite et le vent bien orienté.
Je me pose pratiquement à l’endroit prévu, juste avant la plage qui est au vent.
C’est une plage de joli sable fin qui s’enfonce rapidement.
Là, la technique, c’est d’arriver devant la plage, mettre l’avion face au vent, couper le moteur, baisser les volets, ne pas oublier de remonter les safrans des gouvernails et laisser l’avion reculer gentiment vers la plage tout en aidant la manœuvre avec la pagaie, toujours présente sur un des flotteurs.
L’avion se pose gentiment sur le sable et l’on peut même en descendre sans se mouiller les pieds.
-"Oui, c'est important de visiter des cabanes au Canada, il y a une chanson là-dessus"..."
Greg me fait visiter ses cabanes qu’il a construites lui-même il y a une dizaine d’années.
Au fil du temps et des rotations de Beaver il a fini par y apporter un confort très raisonnable.
Il me fait admirer les magnifiques cèdres rouges à côté, énormes arbres, vieux peut-être de plus d’un millier d’années.
Je profite de ce lieu sauvage et solitaire dont nous n’avons pas l’équivalent dans les Alpes, puis après une petite pause nous repartons.
De nouveau à plus de 4000 pieds, le décollage est long, mais nous sommes aidés par un gentil petit vent et l’avion est allégé d’une bonne heure de carburant.
Au retour, Greg me dit de descendre assez bas pour essayer de voir s’il n’y a pas de la faune à observer dans la plaine marécageuse entre le lac Quesnel et le lac Mitchell.
Quand un pilote d’hydravion parle de voler bas, ça veut dire en général vraiment bas et quand, à 150 ou 200 pieds au dessus de la cime des arbres, Greg me dit que je pourrais tout de même descendre encore, je ne suis pas très surpris.
Normalement ce genre de plaine devrait être le terrain idéal pour des orignaux, ces très gros cervidés semblables aux élans avec des bois immenses, mais aujourd’hui pas de chance, pas même un ours.
Les ours seront sans doute là dans quelques jours car nous voyons des multitudes de saumons qui sont remontés frayer dans ces étangs et qui vont mourir dans les jours qui viennent et faire leur délice.
Le retour se passe tranquillement en faisant quelques posé-décollés sur des lacs dont j’ignore même le nom.
Une bien belle journée.
À l’arrivée, je suis très flatté d’entendre Greg me dire que dès que ma validation de licence arrive je peux prendre l’avion tout seul.
-"Bon, c'était super intéressant, je vais aller bouffi, là..."
Dernière édition par scuderia57 le Lun 6 Oct - 12:00, édité 1 fois
Re: Balade au Canada en Hydravion
Troisième jour.
C’était sans compter sur l’isolement de ces régions et ma validation de licence n’est toujours pas dans la boîte aux lettres ce matin.
Tout compte fait ce n’est pas si mal, il n’y a pas un souffle et c’est de l’eau miroitante sur tous les lacs.
Les néophytes sont souvent surpris d’apprendre que les conditions d’eau miroitante sont parmi les plus délicates que l’on peut expérimenter en hydravion.
Ceci est dû au fait qu’il est pratiquement impossible d’estimer la hauteur sur l’eau et que l’on peut parfois être dans l’erreur de 50 pieds.
Dans ces conditions, il faut surtout ne pas essayer d’estimer la hauteur, mais prévoir une approche le plus près possible d’une rive ou au-dessus d’une plage et dès que l’on a perdu les références visuelles de hauteur, ne plus se concentrer que sur l’attitude de l’avion qui doit être parfaite et établir un taux de descente vers 100, grand maximum 200 pieds par minute et attendre, attendre et encore attendre que l’on touche l’eau, parfois ces secondes paraissent interminables et il faut des lacs bien longs.
Au décollage, l’eau parfaitement lisse fait ventouse sur les flotteurs et l’on a l’impression d’être sur un pot de colle dont l’avion n’arrive pas à s’extraire et il faut parfois sortir successivement un premier flotteur puis le second. Une fois décollé on ne fait pas de palier en effet de sol car le danger serait trop grand de retoucher l’eau par inadvertance mais on continue la montée sans interruption jusqu’à avoir retrouvé des références de hauteur.
-"Ca fait peur tout ça, là, piting ! C'est-y pas plus simple de rester devant l'ordi chez soi bien au chaud ?"
C’est ce que je fais actuellement....
Par contre les premiers amerrissages auraient pu être meilleurs.
Je "rame" un peu pour stabiliser l’approche et au touché deux ou trois fois de suite, je laisse un peu partir l’avion en avant, pas au point d’être dangereux mais quand même c’est une chose à éviter absolument.
On fait une petite pause sur un lac pour voir ce qui ne va pas et je me rends compte que je pose avec le compensateur réglé très en avant par rapport aux jours précédents.
Effectivement après avoir corrigé ce détail, tout rentre dans l’ordre.
Pour détendre l’atmosphère, alors que je "taxi" vent arrière vers l’extrémité d’un lac, Greg me demande si j’ai déjà fait des décollages en U, « non en L oui, circulaire je sais que c’est plutôt du cinéma et que c’est rarement efficace, mais en U, non jamais fait », « alors on va en faire un », il met plein gaz alors que l’on est tellement près de la rive que j’ai l’impression que l’on sera sur la plage avant de passer sur le redan.
L’impression est fausse, bien entendu, et, en rallongeant un peu la course en faisant un S l’avion passe sur le redan avant la plage.
On amorce le virage en dérapage sur les flotteurs, je ne peux pas m’empêcher de regarder la rive qui défile au travers du pare-brise ainsi que la gerbe d’écume qui part à 45° des flotteurs.
Le but est de prendre le plus de vitesse tout en gardant le contrôle de l’avion qui dérape sur l’eau, en jouant avec les gaz et le palonnier.
Quand la première moitié du U est achevée, plein gaz jusqu’au décollage.
Autre avantage pas négligeable en eau miroitante on croise alors le sillage de l’avion, ce qui aide à rompre l’effet ventouse de l’eau miroitante.
Une fois décollé on continue le jeu en poursuivant l’ascension en virage.
-"Vous l'avez échappé belle, là, z'auriez-pu aller droit dans les arbres... Piting !"
Une fois en l’air Greg me montre notre sillage sur le lac, effectivement c’est impressionnant, nous avons décollé à peu près par le travers de l’endroit où l’on a mis les gaz, le tout dans un plan d’eau d’où il aurait été impossible de décoller en ligne droite.
« Oui, mon coco, mais c’est pas encore demain que je ferai un truc comme ça tout seul » que je me dis en moi-même.
Cet après-midi, Greg propose de me montrer quelques jolis lacs dans le Wells Gray Park et un ancien volcan.
Le cratère du volcan rappelle les volcans d’Auvergne, mais en beaucoup plus récent car la coulée de lave qui l’entoure doit remonter à quelques siècles au plus.
Au retour le lac Pendleton qui surplombe le très grand lac Mahood est magnifique avec ses multiples criques et baies.
Une des deux maisons qui bordent le lac appartient à Ten-ee-ah Lodge, pas désagréable d’y passer quelques jours.
-"J'y suisse allé il y a une dizaine d'année, c'était super...!"
Quatrième jour.
Ma licence n’étant toujours pas arrivée, je ne peux pas voler solo.
Greg n’est pas libre aujourd’hui, mais il m’arrange un rendez-vous avec un de ses patrons comme « safety pilot », un personnage haut en couleur, c’est le fondateur d’une petite compagnie d’aviation de brousse « Sharp Wings »...
Petite queue-de-cheval, le visage buriné par les éléments, toujours actif, 74 ans... et plus de 40.000 heures de vol.
Je n’ai pas demandé, mais je suppose que ça doit se répartir en 39.900 heures de brousse dont 20.000 de Beaver.
Je lui demande d’aller juste sur un lac sympa, isolé au fond du bois, il réfléchit et m’indique sur la carte Crooked lake..., en disant : « Tu fais comme tu veux, petit, moi je suis là que pour l’assurance ».
On est déjà en train de circuler sur le lac, vite en quelques minutes, il faut préparer mentalement un semblant de nav d’une heure de vol, repérer quelques lacs ou point significatifs et un cap, et, gag habituel pour les pilotes Européens, ne pas oublier les 22° de déviation "Est" qui sévissent dans la région, ne pas non plus se tromper si "Est" c’est + ou -, à propos, test, vous vous en souvenez ?
Entre les chaînes de montagnes et les nombreux lacs, la navigation ne s’avère finalement pas trop difficile. Encore une fois c’est une région, où, en une heure, on ne survole que deux ou trois routes de terre, quelques fermes et puis de la forêt et des lacs de montagne.
On arrive sur Crooked lake, joli lac tout en longueur dans une vallée alpine.
J’en fais le tour et je repère une plage qui m’inspire.
L’eau est miroitante partout.
On accoste sur la plage où l’on dérange un castor qui faisait du bois pour son barrage.
Tout le temps de notre pause, il va nager autour de l’avion attendant que ces drôles d’animaux veuillent bien s’en aller.
Au retour bonne nouvelle ma validation de licence est arrivée !
-"Moi zossi, piting, je fasse comme les castors, tout avec la queue... Quoi ? C'est trop sexuel pour ce site ! Ah bon ! Ok !"
Le soir en soupant avec les gens du gîte où je loge sur Thimoty Lake, à la nuit tombée, le chien se met à aboyer comme les soirs précédents, mais un peu plus insistant cette fois ci.
Les propriétaires disent, flegmatiques que c’est sans doute un ours qui vient manger les pommes dans le verger.
Comme ça ne se calme pas on va quand même voir.
Effectivement juste à côté des voitures, dans le verger il y a un ours noir qui se gave de pommes, il n’est qu’à une quinzaine de mètres de la maison.
C’est paraît-il un jeune de trois ou quatre ans, mais quand même lorsqu’il se dresse sur les pattes arrières pour attraper les pommes, il est plus haut que moi.
Ce genre de visite fait partie de la routine ici et mes hôtes ne sont pas très impressionnés.
Le lendemain, les pommes seront cueillies et l’ours ira dans le verger des voisins.
-"À propos d’ours, j’ai trouvé dans une brochure d’informations, les choses à faire et à ne pas faire dans les régions fréquentées par les ours, ce conseil qui peut s’appliquer à beaucoup d’autres activités : Ne jamais sous-estimer la capacité de l’être humain à se comporter de manière stupide. Ne pas oublier, non plus, de l’appliquer à vous-même".
Cinquième jour.
Enfin aujourd’hui je peux voler solo.
C’est peut-être un des derniers endroit au Canada où l’on peut encore le faire. Les conditions sont parfaites et je fais un tour sur les lacs de la région.
Seule différence, il n’y a personne pour me montrer le chemin du retour et rien ne ressemble plus à un lac qu’un autre lac dans cette région.
Quant à la question de savoir si vous avez le droit d’atterrir sur un lac qui vous inspire, c’est assez simple, la loi dit que l’on peut atterrir n’importe où sur le territoire fédéral et que les plans d’eau, même dans une propriété privée, sont territoire fédéral.
-"Comme le Canada est plutôt un pays où les choses sont à priori autorisées à moins que cela n’ait été déclaré interdit (il existe des pays où c’est la logique inverse qui prévaut), on peut à une ou deux exceptions près amerrir partout sauf dans les parcs nationaux (encore que …)".
Sixième jour.
Comme on n’a pas encore vu d’orignaux ou d’autres grosses bêtes, on a décidé avec Greg de faire un tour en fin de journée dans des régions propices comme des bords de lac marécageux.
C’est aussi un prétexte pour voler une heure au ras des arbres !
Mais, hélas, bernique, pas un seul animal, par contre les lumières du soir sur les lacs et les montagnes enneigées sont magnifiques, le soleil est déjà couché et la fin du vol retour se passe par une magnifique pleine lune.
On se pose juste à la limite jour-nuit par une eau parfaitement miroitante, à tel point que, même une fois amerri, il reste encore impossible de discerner le plan de l’eau.
Septième jour.
Le programme pour aujourd’hui est d’allier du tourisme aéronautique à un exercice de navigation.
Bien entendu ça ne serait pas drôle si on avait le temps de préparer le vol avant de partir et de "pitonner" son GPS.
Une fois le moteur en marche Greg me propose de l’emmener sur Green Lake, ce n’est pas trop difficile, c’est à une demi-heure de vol, il n’est pas très loin d’une des rares routes goudronnées de la région et c’est un grand lac, mais qui mérite bien son nom, l’eau est d’un bleu-vert digne des caraïbes.
Le lac suivant, Big Bar Lake, est dans une région beaucoup plus plate, sans signes distinctifs marquants et Greg me met un plafond à 1000 pieds sol.
Pas facile de s’y retrouver, et, il n’y a que des petits lacs pas très significatifs, et plus on est bas plus il est difficile d’identifier les lacs par leur forme.
J’opte pour un crochet en longeant le pied d’une petite montagne et je finis par trouver le lac.
« Bon alors on va compliquer les choses avec un plafond à 500 pied sol pour le lac Gustafsen » me dit Greg, là ça commence à être un peu rude, c’est un autre vol d’une petite demi-heure dans une région de plaine aride avec peu de lacs.
Après le temps de vol estimé au pouce dans la bonne direction, je ne vois rien qui ressemble à un lac décent, juste les méandres d’une rivière, reste à savoir si le lac est à droite ou à gauche et à cette altitude-là, ce n’est pas facile de deviner.
Après quelques tâtonnements, je finis par trouver son lac Gustafsen, à peine assez grand pour y poser, puis on met ensuite le cap retour sur Spout lake.
Huitième jour.
Dernier jour en Colombie britannique avant le retour à Vancouver dans l’après-midi.
Il est convenu que je passe prendre le Super-Cub à Williams Lake, la « grande » ville à 45 minutes de voiture au Nord.
C’est une chance parce que ce matin il y a un brouillard à couper au couteau sur Spout Lake.
Le programme pour ce dernier jour est d’aller découvrir quelques lacs le long de la chaîne de montagne côtière qui m’ont été chaudement recommandés par mes hôtes.
-"C’est magnifique, mais moi quand j'étais au Canada et que je voulais y aller ça me prenais deux jours de 4X4, piting !".
A vue de nez c’est un bon vol de 3 heures aller-retour.
Après le départ de Williams Lake, cap plein Ouest, la route coupe la Fraser river puis la Chilkot, deux belles grandes rivières encaissées au fond de gorges.
Greg avait proposé d’aller y faire des amerrissages, j’aurais voulu voir ça, juste l’idée de rentrer dans ces gorges étroites, ça ne m’inspire pas trop, quant à s'y poser.
Ensuite il y a un long bout de plaines forestières arides, le coin est un peu hostile pour un hydravion.
Les bosses montent graduellement et il faut grimper à 6000 pieds.
La navigation n’est pas trop difficile.
Les montagnes sont droit devant avec quelques points caractéristiques sur lesquels garder le cap.
Petit à petit je me rapproche de la base des montagnes et les lacs réapparaissent.
Ce sont de belles montagnes, avec d’impressionnants glaciers.
Je finis par tourner les derniers contreforts et je découvre un des lacs dont on m’avait parlé, Chilkot lake, ou plutôt j’en découvre le début.
C’est un lac un peu plus long que le Léman, un peu moins large mais dans un paysage alpin comparable à la région d’Interlaken ou du lac des quatre cantons, magnifique avec les couleurs d’automne des bouleaux jaunes qui contrastent avec le vert des sapins.
Et surtout, pas une route, sur toute la longueur du lac il n’y a que deux ou trois chalets, pas plus, le paradis.
J’en survole un bon bout.
Les vagues se forment vite sur ces grands lacs encaissés et longs de plus de cent kilomètres et je préfère opter pour un petit lac adjacent, Tsuniah Lake, le vent y est bien installé mais les vagues très raisonnables. J’ai repéré une jolie plage qui m’inspire, cette fois-ci il faut vraiment faire sérieusement les vols d’inspections, vérifier l’absence de roches le long des berges, l’accostage sur la plage, vérifier aussi la trajectoire pour le décollage et ne pas rater l’amerrissage, en cette fin de saison, on est à des jours de marche du premier coin habité et le moindre incident mineur peut vite devenir très sérieux.
Probablement personne ne repassera par ici avant le printemps prochain.
La plage est sous le vent et j’accoste de face.
C’est tellement beau et ce sentiment d’isolement est inoubliable.
Je savoure un sandwich sur la plage et je dois me préparer pour le retour direct qui sera long avec un bon vent de face.
Puis demain c’est le départ pour Montréal pour la deuxième partie des vacances au Québec.
Neuvième jour.
Je retrouve « mon » Cessna172 amphibie C-FFHJ sur lequel j’ai fait ma qualification "flotteurs" et mes amis québécois de la région des Laurentides, au Nord de Mont-Tremblant à la Macaza.
C’est un jour de reprise en main qui me conforte dans l’idée que le Super-Cub est beaucoup plus aisé et rapide à maîtriser qu’un 172 amphibie.
Je me retrouve en terrain connu, ici les lacs sont à une altitude bien plus raisonnable, quelques centaines de pieds, et sont encore plus nombreux que vers Ten-ee-ah, ça n’en rend pas nécessairement l’orientation plus facile.
Mais surtout, ils sont souvent beaucoup plus vicieux, les roches qui affleurent à quelques centimètres sous l’eau sont légions même en plein milieu des lacs, et, même sur les lacs que l’on croit connaître, on peut se faire surprendre.
Dixième jour.
Petit tour vers le lac des "31 miles", très beau grand lac parsemé d’îles et de criques.
C’est magnifique et les couleurs d’automne sont éclatantes avec les tons de jaunes des bouleaux et les rouges des érables.
Ici les régions paraissent plus habitées mais c’est quand même bien vide pour nos standards européens, surtout que la plupart des chalets que l’on aperçoit sur les bords des lacs ne sont souvent que des résidences d’été et sont déjà fermées jusqu’à la saison d’hiver, voire jusqu’au printemps prochain.
Onzième jour.
Avec deux autres connaissance, dont Benoît propriétaire d’un Cessna 185 sur flotteurs, nous avons décidé d’aller camper sur le lac Pierron, dans la réserve Rouge-Matawin.
Benoît y a repéré une jolie plage où il n’a jamais eu l’occasion d’aller.
Le départ est fixé vers midi, le temps est infect, le plafond est bas et il bruine.
La météo qui avait annoncé une éclaircie était bien optimiste.
On attend un peu, puis on décide quand même d’aller voir en l’air à quoi ça ressemble.
Tout de suite on se retrouve scotché à même pas 1000 pieds sol et il se remet à pleuvoir.
Le problème c’est qu’il y a des bosses en chemin et que, à cette altitude-là, la navigation n’est pas si aisée. Ici par contre la déviation magnétique est de 15° "Ouest", donc l’opposé de la Colombie Britannique.
On se faufile entre les grains sous la couche et bientôt on se retrouve à même pas 500 pieds sol à se faufiler dans des vallons et à faire des sauts de puce sécuritaire, de lacs en lacs, où l’on pourrait poser au cas où ça se fermerait complètement.
On essaye de suivre vaguement sur la carte le chemin qui nous est imposé par les conditions météo et de s’occuper de la navigation quand il reste du temps pour ce détail.
Pour l’instant, pour autant que l’on puisse en juger on doit même être à peu près dans la bonne direction. De temps en temps on s’imagine reconnaître un lac un peu plus grand que les autres mais à cette altitude-là, va savoir.
Un instant, je regarde le GPS 295 éteint sur le tableau de bord, me demandant si ça n’aurait pas été une bonne chose de le programmer avant de partir, maintenant c’est trop tard.
Seulement les grands lacs sont dans la base de données et souvent d’une forme tellement symbolique que ça ne sert pas à grand chose.
Le lac Pierron, ne faisant que 4 ou 5 kilomètres de long, il n’est pas indiqué, et puis comme ça, si ça devient trop mauvais on ne sera pas tenté de pousser vers les quelques miles fatals de trop.
On arrive sur un grand lac ou d’un commun accord, on décide d’arrêter les frais ici s’il y a une plage pour débarquer.
Manque de chance, le lac est bordé de tous côtés par de la forêt dense. On pousse au lac suivant, bientôt on va nettoyer les flotteurs sur la cime des sapins.
Dans une trouée, on aperçoit un plus grand lac qui miroite avec des rives sablonneuses, on va voir et plus on se rapproche plus on se convainc que c’est bien la forme de notre lac.
On ne s’est pas si mal débrouillé tout compte fait, et sans ces engins diaboliques de gé-pé-ess.
Je m’apprête à poser vers cette plage, mais Benoît me dit que, non, la plage qu’il a repérée, il s’en souvient est à l’autre extrémité du lac, comme si voler dans cette purée ne lui avait pas encore suffi.
Effectivement cette plage est bien plus jolie, plus large et plus pratique pour y monter la tente.
Il faut quand même se méfier car le lac est parsemé de haut fonds et de rochers.
Maintenant, ça va, mais il faut surtout les mémoriser pour le départ le lendemain d’autant que, si le vent a tourné, la trajectoire de décollage peut être tout autre.
-"Je swisse content que votre voyage se termine, car j'ai un petit creux".
Une fois posé nous "taxions" gentiment vers notre plage, quant soudainement l’avion s’arrête brusquement, échoué sur la plage à plus de cent mètres du rivage.
« Et, m…e » je me dis, ce n’est pas tant que ce soit un problème pour l’avion, on peut facilement le faire pivoter pour repartir, mais c’est qu’il va falloir faire le trajet vers la plage à pieds nus.
L’été, c’est sympathique, mais en Octobre l’eau n’est plus qu’à 6 ou 7 degrés, dans un mois le lac sera gelé.
On essaye de minimiser le nombre de trajets, mais après chaque voyage, il faut quelques minutes pour récupérer, tant le froid fait mal aux chevilles.
Une fois terminé, on amarre l’avion pour la nuit.
Un petit tour à explorer les signes de passage sur la plage, un orignal est passé par là il y a un ou deux jours, un castor plus récemment et il y a des crottes de loup, reconnaissables au fait qu’elles contiennent des fragments d’os, rien de vraiment inhospitalier, pas d’ours.
On installe la tente et l’on prépare un grand feu pour la soirée.
Le bois ne manque pas dans ces régions.
C’était sans compter sur l’isolement de ces régions et ma validation de licence n’est toujours pas dans la boîte aux lettres ce matin.
Tout compte fait ce n’est pas si mal, il n’y a pas un souffle et c’est de l’eau miroitante sur tous les lacs.
Les néophytes sont souvent surpris d’apprendre que les conditions d’eau miroitante sont parmi les plus délicates que l’on peut expérimenter en hydravion.
Ceci est dû au fait qu’il est pratiquement impossible d’estimer la hauteur sur l’eau et que l’on peut parfois être dans l’erreur de 50 pieds.
Dans ces conditions, il faut surtout ne pas essayer d’estimer la hauteur, mais prévoir une approche le plus près possible d’une rive ou au-dessus d’une plage et dès que l’on a perdu les références visuelles de hauteur, ne plus se concentrer que sur l’attitude de l’avion qui doit être parfaite et établir un taux de descente vers 100, grand maximum 200 pieds par minute et attendre, attendre et encore attendre que l’on touche l’eau, parfois ces secondes paraissent interminables et il faut des lacs bien longs.
Au décollage, l’eau parfaitement lisse fait ventouse sur les flotteurs et l’on a l’impression d’être sur un pot de colle dont l’avion n’arrive pas à s’extraire et il faut parfois sortir successivement un premier flotteur puis le second. Une fois décollé on ne fait pas de palier en effet de sol car le danger serait trop grand de retoucher l’eau par inadvertance mais on continue la montée sans interruption jusqu’à avoir retrouvé des références de hauteur.
-"Ca fait peur tout ça, là, piting ! C'est-y pas plus simple de rester devant l'ordi chez soi bien au chaud ?"
C’est ce que je fais actuellement....
Par contre les premiers amerrissages auraient pu être meilleurs.
Je "rame" un peu pour stabiliser l’approche et au touché deux ou trois fois de suite, je laisse un peu partir l’avion en avant, pas au point d’être dangereux mais quand même c’est une chose à éviter absolument.
On fait une petite pause sur un lac pour voir ce qui ne va pas et je me rends compte que je pose avec le compensateur réglé très en avant par rapport aux jours précédents.
Effectivement après avoir corrigé ce détail, tout rentre dans l’ordre.
Pour détendre l’atmosphère, alors que je "taxi" vent arrière vers l’extrémité d’un lac, Greg me demande si j’ai déjà fait des décollages en U, « non en L oui, circulaire je sais que c’est plutôt du cinéma et que c’est rarement efficace, mais en U, non jamais fait », « alors on va en faire un », il met plein gaz alors que l’on est tellement près de la rive que j’ai l’impression que l’on sera sur la plage avant de passer sur le redan.
L’impression est fausse, bien entendu, et, en rallongeant un peu la course en faisant un S l’avion passe sur le redan avant la plage.
On amorce le virage en dérapage sur les flotteurs, je ne peux pas m’empêcher de regarder la rive qui défile au travers du pare-brise ainsi que la gerbe d’écume qui part à 45° des flotteurs.
Le but est de prendre le plus de vitesse tout en gardant le contrôle de l’avion qui dérape sur l’eau, en jouant avec les gaz et le palonnier.
Quand la première moitié du U est achevée, plein gaz jusqu’au décollage.
Autre avantage pas négligeable en eau miroitante on croise alors le sillage de l’avion, ce qui aide à rompre l’effet ventouse de l’eau miroitante.
Une fois décollé on continue le jeu en poursuivant l’ascension en virage.
-"Vous l'avez échappé belle, là, z'auriez-pu aller droit dans les arbres... Piting !"
Une fois en l’air Greg me montre notre sillage sur le lac, effectivement c’est impressionnant, nous avons décollé à peu près par le travers de l’endroit où l’on a mis les gaz, le tout dans un plan d’eau d’où il aurait été impossible de décoller en ligne droite.
« Oui, mon coco, mais c’est pas encore demain que je ferai un truc comme ça tout seul » que je me dis en moi-même.
Cet après-midi, Greg propose de me montrer quelques jolis lacs dans le Wells Gray Park et un ancien volcan.
Le cratère du volcan rappelle les volcans d’Auvergne, mais en beaucoup plus récent car la coulée de lave qui l’entoure doit remonter à quelques siècles au plus.
Au retour le lac Pendleton qui surplombe le très grand lac Mahood est magnifique avec ses multiples criques et baies.
Une des deux maisons qui bordent le lac appartient à Ten-ee-ah Lodge, pas désagréable d’y passer quelques jours.
-"J'y suisse allé il y a une dizaine d'année, c'était super...!"
Quatrième jour.
Ma licence n’étant toujours pas arrivée, je ne peux pas voler solo.
Greg n’est pas libre aujourd’hui, mais il m’arrange un rendez-vous avec un de ses patrons comme « safety pilot », un personnage haut en couleur, c’est le fondateur d’une petite compagnie d’aviation de brousse « Sharp Wings »...
Petite queue-de-cheval, le visage buriné par les éléments, toujours actif, 74 ans... et plus de 40.000 heures de vol.
Je n’ai pas demandé, mais je suppose que ça doit se répartir en 39.900 heures de brousse dont 20.000 de Beaver.
Je lui demande d’aller juste sur un lac sympa, isolé au fond du bois, il réfléchit et m’indique sur la carte Crooked lake..., en disant : « Tu fais comme tu veux, petit, moi je suis là que pour l’assurance ».
On est déjà en train de circuler sur le lac, vite en quelques minutes, il faut préparer mentalement un semblant de nav d’une heure de vol, repérer quelques lacs ou point significatifs et un cap, et, gag habituel pour les pilotes Européens, ne pas oublier les 22° de déviation "Est" qui sévissent dans la région, ne pas non plus se tromper si "Est" c’est + ou -, à propos, test, vous vous en souvenez ?
Entre les chaînes de montagnes et les nombreux lacs, la navigation ne s’avère finalement pas trop difficile. Encore une fois c’est une région, où, en une heure, on ne survole que deux ou trois routes de terre, quelques fermes et puis de la forêt et des lacs de montagne.
On arrive sur Crooked lake, joli lac tout en longueur dans une vallée alpine.
J’en fais le tour et je repère une plage qui m’inspire.
L’eau est miroitante partout.
On accoste sur la plage où l’on dérange un castor qui faisait du bois pour son barrage.
Tout le temps de notre pause, il va nager autour de l’avion attendant que ces drôles d’animaux veuillent bien s’en aller.
Au retour bonne nouvelle ma validation de licence est arrivée !
-"Moi zossi, piting, je fasse comme les castors, tout avec la queue... Quoi ? C'est trop sexuel pour ce site ! Ah bon ! Ok !"
Le soir en soupant avec les gens du gîte où je loge sur Thimoty Lake, à la nuit tombée, le chien se met à aboyer comme les soirs précédents, mais un peu plus insistant cette fois ci.
Les propriétaires disent, flegmatiques que c’est sans doute un ours qui vient manger les pommes dans le verger.
Comme ça ne se calme pas on va quand même voir.
Effectivement juste à côté des voitures, dans le verger il y a un ours noir qui se gave de pommes, il n’est qu’à une quinzaine de mètres de la maison.
C’est paraît-il un jeune de trois ou quatre ans, mais quand même lorsqu’il se dresse sur les pattes arrières pour attraper les pommes, il est plus haut que moi.
Ce genre de visite fait partie de la routine ici et mes hôtes ne sont pas très impressionnés.
Le lendemain, les pommes seront cueillies et l’ours ira dans le verger des voisins.
-"À propos d’ours, j’ai trouvé dans une brochure d’informations, les choses à faire et à ne pas faire dans les régions fréquentées par les ours, ce conseil qui peut s’appliquer à beaucoup d’autres activités : Ne jamais sous-estimer la capacité de l’être humain à se comporter de manière stupide. Ne pas oublier, non plus, de l’appliquer à vous-même".
Cinquième jour.
Enfin aujourd’hui je peux voler solo.
C’est peut-être un des derniers endroit au Canada où l’on peut encore le faire. Les conditions sont parfaites et je fais un tour sur les lacs de la région.
Seule différence, il n’y a personne pour me montrer le chemin du retour et rien ne ressemble plus à un lac qu’un autre lac dans cette région.
Quant à la question de savoir si vous avez le droit d’atterrir sur un lac qui vous inspire, c’est assez simple, la loi dit que l’on peut atterrir n’importe où sur le territoire fédéral et que les plans d’eau, même dans une propriété privée, sont territoire fédéral.
-"Comme le Canada est plutôt un pays où les choses sont à priori autorisées à moins que cela n’ait été déclaré interdit (il existe des pays où c’est la logique inverse qui prévaut), on peut à une ou deux exceptions près amerrir partout sauf dans les parcs nationaux (encore que …)".
Sixième jour.
Comme on n’a pas encore vu d’orignaux ou d’autres grosses bêtes, on a décidé avec Greg de faire un tour en fin de journée dans des régions propices comme des bords de lac marécageux.
C’est aussi un prétexte pour voler une heure au ras des arbres !
Mais, hélas, bernique, pas un seul animal, par contre les lumières du soir sur les lacs et les montagnes enneigées sont magnifiques, le soleil est déjà couché et la fin du vol retour se passe par une magnifique pleine lune.
On se pose juste à la limite jour-nuit par une eau parfaitement miroitante, à tel point que, même une fois amerri, il reste encore impossible de discerner le plan de l’eau.
Septième jour.
Le programme pour aujourd’hui est d’allier du tourisme aéronautique à un exercice de navigation.
Bien entendu ça ne serait pas drôle si on avait le temps de préparer le vol avant de partir et de "pitonner" son GPS.
Une fois le moteur en marche Greg me propose de l’emmener sur Green Lake, ce n’est pas trop difficile, c’est à une demi-heure de vol, il n’est pas très loin d’une des rares routes goudronnées de la région et c’est un grand lac, mais qui mérite bien son nom, l’eau est d’un bleu-vert digne des caraïbes.
Le lac suivant, Big Bar Lake, est dans une région beaucoup plus plate, sans signes distinctifs marquants et Greg me met un plafond à 1000 pieds sol.
Pas facile de s’y retrouver, et, il n’y a que des petits lacs pas très significatifs, et plus on est bas plus il est difficile d’identifier les lacs par leur forme.
J’opte pour un crochet en longeant le pied d’une petite montagne et je finis par trouver le lac.
« Bon alors on va compliquer les choses avec un plafond à 500 pied sol pour le lac Gustafsen » me dit Greg, là ça commence à être un peu rude, c’est un autre vol d’une petite demi-heure dans une région de plaine aride avec peu de lacs.
Après le temps de vol estimé au pouce dans la bonne direction, je ne vois rien qui ressemble à un lac décent, juste les méandres d’une rivière, reste à savoir si le lac est à droite ou à gauche et à cette altitude-là, ce n’est pas facile de deviner.
Après quelques tâtonnements, je finis par trouver son lac Gustafsen, à peine assez grand pour y poser, puis on met ensuite le cap retour sur Spout lake.
Huitième jour.
Dernier jour en Colombie britannique avant le retour à Vancouver dans l’après-midi.
Il est convenu que je passe prendre le Super-Cub à Williams Lake, la « grande » ville à 45 minutes de voiture au Nord.
C’est une chance parce que ce matin il y a un brouillard à couper au couteau sur Spout Lake.
Le programme pour ce dernier jour est d’aller découvrir quelques lacs le long de la chaîne de montagne côtière qui m’ont été chaudement recommandés par mes hôtes.
-"C’est magnifique, mais moi quand j'étais au Canada et que je voulais y aller ça me prenais deux jours de 4X4, piting !".
A vue de nez c’est un bon vol de 3 heures aller-retour.
Après le départ de Williams Lake, cap plein Ouest, la route coupe la Fraser river puis la Chilkot, deux belles grandes rivières encaissées au fond de gorges.
Greg avait proposé d’aller y faire des amerrissages, j’aurais voulu voir ça, juste l’idée de rentrer dans ces gorges étroites, ça ne m’inspire pas trop, quant à s'y poser.
Ensuite il y a un long bout de plaines forestières arides, le coin est un peu hostile pour un hydravion.
Les bosses montent graduellement et il faut grimper à 6000 pieds.
La navigation n’est pas trop difficile.
Les montagnes sont droit devant avec quelques points caractéristiques sur lesquels garder le cap.
Petit à petit je me rapproche de la base des montagnes et les lacs réapparaissent.
Ce sont de belles montagnes, avec d’impressionnants glaciers.
Je finis par tourner les derniers contreforts et je découvre un des lacs dont on m’avait parlé, Chilkot lake, ou plutôt j’en découvre le début.
C’est un lac un peu plus long que le Léman, un peu moins large mais dans un paysage alpin comparable à la région d’Interlaken ou du lac des quatre cantons, magnifique avec les couleurs d’automne des bouleaux jaunes qui contrastent avec le vert des sapins.
Et surtout, pas une route, sur toute la longueur du lac il n’y a que deux ou trois chalets, pas plus, le paradis.
J’en survole un bon bout.
Les vagues se forment vite sur ces grands lacs encaissés et longs de plus de cent kilomètres et je préfère opter pour un petit lac adjacent, Tsuniah Lake, le vent y est bien installé mais les vagues très raisonnables. J’ai repéré une jolie plage qui m’inspire, cette fois-ci il faut vraiment faire sérieusement les vols d’inspections, vérifier l’absence de roches le long des berges, l’accostage sur la plage, vérifier aussi la trajectoire pour le décollage et ne pas rater l’amerrissage, en cette fin de saison, on est à des jours de marche du premier coin habité et le moindre incident mineur peut vite devenir très sérieux.
Probablement personne ne repassera par ici avant le printemps prochain.
La plage est sous le vent et j’accoste de face.
C’est tellement beau et ce sentiment d’isolement est inoubliable.
Je savoure un sandwich sur la plage et je dois me préparer pour le retour direct qui sera long avec un bon vent de face.
Puis demain c’est le départ pour Montréal pour la deuxième partie des vacances au Québec.
Neuvième jour.
Je retrouve « mon » Cessna172 amphibie C-FFHJ sur lequel j’ai fait ma qualification "flotteurs" et mes amis québécois de la région des Laurentides, au Nord de Mont-Tremblant à la Macaza.
C’est un jour de reprise en main qui me conforte dans l’idée que le Super-Cub est beaucoup plus aisé et rapide à maîtriser qu’un 172 amphibie.
Je me retrouve en terrain connu, ici les lacs sont à une altitude bien plus raisonnable, quelques centaines de pieds, et sont encore plus nombreux que vers Ten-ee-ah, ça n’en rend pas nécessairement l’orientation plus facile.
Mais surtout, ils sont souvent beaucoup plus vicieux, les roches qui affleurent à quelques centimètres sous l’eau sont légions même en plein milieu des lacs, et, même sur les lacs que l’on croit connaître, on peut se faire surprendre.
Dixième jour.
Petit tour vers le lac des "31 miles", très beau grand lac parsemé d’îles et de criques.
C’est magnifique et les couleurs d’automne sont éclatantes avec les tons de jaunes des bouleaux et les rouges des érables.
Ici les régions paraissent plus habitées mais c’est quand même bien vide pour nos standards européens, surtout que la plupart des chalets que l’on aperçoit sur les bords des lacs ne sont souvent que des résidences d’été et sont déjà fermées jusqu’à la saison d’hiver, voire jusqu’au printemps prochain.
Onzième jour.
Avec deux autres connaissance, dont Benoît propriétaire d’un Cessna 185 sur flotteurs, nous avons décidé d’aller camper sur le lac Pierron, dans la réserve Rouge-Matawin.
Benoît y a repéré une jolie plage où il n’a jamais eu l’occasion d’aller.
Le départ est fixé vers midi, le temps est infect, le plafond est bas et il bruine.
La météo qui avait annoncé une éclaircie était bien optimiste.
On attend un peu, puis on décide quand même d’aller voir en l’air à quoi ça ressemble.
Tout de suite on se retrouve scotché à même pas 1000 pieds sol et il se remet à pleuvoir.
Le problème c’est qu’il y a des bosses en chemin et que, à cette altitude-là, la navigation n’est pas si aisée. Ici par contre la déviation magnétique est de 15° "Ouest", donc l’opposé de la Colombie Britannique.
On se faufile entre les grains sous la couche et bientôt on se retrouve à même pas 500 pieds sol à se faufiler dans des vallons et à faire des sauts de puce sécuritaire, de lacs en lacs, où l’on pourrait poser au cas où ça se fermerait complètement.
On essaye de suivre vaguement sur la carte le chemin qui nous est imposé par les conditions météo et de s’occuper de la navigation quand il reste du temps pour ce détail.
Pour l’instant, pour autant que l’on puisse en juger on doit même être à peu près dans la bonne direction. De temps en temps on s’imagine reconnaître un lac un peu plus grand que les autres mais à cette altitude-là, va savoir.
Un instant, je regarde le GPS 295 éteint sur le tableau de bord, me demandant si ça n’aurait pas été une bonne chose de le programmer avant de partir, maintenant c’est trop tard.
Seulement les grands lacs sont dans la base de données et souvent d’une forme tellement symbolique que ça ne sert pas à grand chose.
Le lac Pierron, ne faisant que 4 ou 5 kilomètres de long, il n’est pas indiqué, et puis comme ça, si ça devient trop mauvais on ne sera pas tenté de pousser vers les quelques miles fatals de trop.
On arrive sur un grand lac ou d’un commun accord, on décide d’arrêter les frais ici s’il y a une plage pour débarquer.
Manque de chance, le lac est bordé de tous côtés par de la forêt dense. On pousse au lac suivant, bientôt on va nettoyer les flotteurs sur la cime des sapins.
Dans une trouée, on aperçoit un plus grand lac qui miroite avec des rives sablonneuses, on va voir et plus on se rapproche plus on se convainc que c’est bien la forme de notre lac.
On ne s’est pas si mal débrouillé tout compte fait, et sans ces engins diaboliques de gé-pé-ess.
Je m’apprête à poser vers cette plage, mais Benoît me dit que, non, la plage qu’il a repérée, il s’en souvient est à l’autre extrémité du lac, comme si voler dans cette purée ne lui avait pas encore suffi.
Effectivement cette plage est bien plus jolie, plus large et plus pratique pour y monter la tente.
Il faut quand même se méfier car le lac est parsemé de haut fonds et de rochers.
Maintenant, ça va, mais il faut surtout les mémoriser pour le départ le lendemain d’autant que, si le vent a tourné, la trajectoire de décollage peut être tout autre.
-"Je swisse content que votre voyage se termine, car j'ai un petit creux".
Une fois posé nous "taxions" gentiment vers notre plage, quant soudainement l’avion s’arrête brusquement, échoué sur la plage à plus de cent mètres du rivage.
« Et, m…e » je me dis, ce n’est pas tant que ce soit un problème pour l’avion, on peut facilement le faire pivoter pour repartir, mais c’est qu’il va falloir faire le trajet vers la plage à pieds nus.
L’été, c’est sympathique, mais en Octobre l’eau n’est plus qu’à 6 ou 7 degrés, dans un mois le lac sera gelé.
On essaye de minimiser le nombre de trajets, mais après chaque voyage, il faut quelques minutes pour récupérer, tant le froid fait mal aux chevilles.
Une fois terminé, on amarre l’avion pour la nuit.
Un petit tour à explorer les signes de passage sur la plage, un orignal est passé par là il y a un ou deux jours, un castor plus récemment et il y a des crottes de loup, reconnaissables au fait qu’elles contiennent des fragments d’os, rien de vraiment inhospitalier, pas d’ours.
On installe la tente et l’on prépare un grand feu pour la soirée.
Le bois ne manque pas dans ces régions.
Re: Balade au Canada en Hydravion
Douzième jour.
Le lendemain, le temps s’est un peu amélioré, le plafond est plus haut, il commence à se fragmenter et il ne pleut plus.
Durant toute la matinée nous serons survolé par des vols d’outardes, aussi appelés bernache du Canada.
C’est la pleine période de migration d’automne.
Ces oiseaux, de la taille d’une oie, volent en groupe d’une centaine en formation en V et caquetent en permanence et font des étapes parfois de plusieurs jours.
Ils peuvent constituer un sérieux risque pour l’aviation, d’autant qu’ils sont connus pour voler aussi la nuit et parfois très haut, mais pour l’instant je profite de ce majestueux spectacle.
Vers midi il faut à nouveau se geler les pieds pour charger l’avion.
Sur le chemin du retour, avec un temps maintenant bien dégagé, on reconnaît notre itinéraire de la veille, qui n’était pas si mal que ça vu les conditions et les montagnes au sommet pris dans les nuages ne sont plus que de simples bosses.
Vol de trois heures vers le réservoir Cabonga, vers le Nord-Ouest.
En chemin, on survole le réservoir Baskatong et les gorges de la rivière Gatineau puis le Cabonga, immense lac réservoir.
Les plages ne manquent pas pour y faire une pause pique-nique.
Ici aussi, il ne faut pas aller très loin pour retrouver ces grands espaces sauvages.
Treizième jour.
Dernier jour d’hydravion, on va célébrer ça par un repas au château de Montebello, l’hôtel, très chic sur la rivière Outaouais qui servait de relais sur la ligne de chemin de fer vers la côte Ouest.
-"Piting ! Vous ne vous privez de rien, là !"
L’été, la marina est bondée de bateaux les plus luxueux les uns que les autres et l’hôtel a hébergé un G6 (ou7 ?) dans les années 80.
Il y a un quai pour les hydravions et bien entendu gratuit, par contre les amis qui nous ont rejoint en voiture trouvent un peu rudes les 4 dollars la demi-heure de parking.
Sur le chemin du retour, on fait quelques pauses pour profiter des couleurs d’automne extraordinairement belles sur le lac Papineau, puis quelques posés-décollés sur la rivière Rouge.
Les golfeurs du terrain voisin ont dû se demander ce que pouvait bien faire cet hydravion sur le redan qui circulait dans les méandres de la rivière.
En posant l’avion une dernière fois, je ne peux pas m’empêcher de penser qu’il va falloir attendre un an ou deux pour retrouver cette liberté immense de voler au Canada.
En attendant il va falloir se réhabituer aux roues.
Quatorzième jour.
Retour vers l'Europe...
Si vous aimez raconter votre vie et vos intentions à la radio, payer des taxes d’atterrissage, vous demander toutes les deux minutes dans quel espace aérien vous allez rentrer et quelle sera la fréquence suivante que vous allez devoir contacter, vous demander si vous êtes bien sur SW1 en route vers S à moins que ce ne soit SW2, pitonner votre téléphone portable dix fois par jours pour appeler votre blonde ou votre secrétaire, si vous aimez vous débattre avec les cartes d’approches et à l’arrivée vous faire souffler dans les bronches parce que vous n’avez pas fait vent arrière à 2.240 pieds, tourner en base entre la piscine et le clocher de l’église après avoir fait un huit entre les deux mélèzes, si l’idée de faire un atterrissage d’urgence à plus de cinq minutes d’une région habitée vous effraie, si vous aimez jouer les commandants de bord à la terrasse du café de l’aéroport pendant quelqu’un fait le plein de votre avion, si vous aimez tout ça alors les hydravions ne sont pas pour vous ; par contre si vous aimez une radio qui reste silencieuse pendant des heures, réinventer les approches et les départs à chaque atterrissages, savoir que droit devant vous vous êtes en espace G ou E pour les 1000 ou 2000 miles suivants, les moustiques et les ours ne vous dérangent pas, ni vous parfumer à l’essence en faisant le plein avec des bidons, savoir que si vous avez un problème on mettra des jours pour vous retrouver (si on essaie même de vous chercher), si vous aimez camper et pêcher dans la nature sauvage, si vous aimez tout ça alors essayez l’hydravion, mais attention une fois contaminé il n’y a pas de traitement connu....
Le lendemain, le temps s’est un peu amélioré, le plafond est plus haut, il commence à se fragmenter et il ne pleut plus.
Durant toute la matinée nous serons survolé par des vols d’outardes, aussi appelés bernache du Canada.
C’est la pleine période de migration d’automne.
Ces oiseaux, de la taille d’une oie, volent en groupe d’une centaine en formation en V et caquetent en permanence et font des étapes parfois de plusieurs jours.
Ils peuvent constituer un sérieux risque pour l’aviation, d’autant qu’ils sont connus pour voler aussi la nuit et parfois très haut, mais pour l’instant je profite de ce majestueux spectacle.
Vers midi il faut à nouveau se geler les pieds pour charger l’avion.
Sur le chemin du retour, avec un temps maintenant bien dégagé, on reconnaît notre itinéraire de la veille, qui n’était pas si mal que ça vu les conditions et les montagnes au sommet pris dans les nuages ne sont plus que de simples bosses.
Vol de trois heures vers le réservoir Cabonga, vers le Nord-Ouest.
En chemin, on survole le réservoir Baskatong et les gorges de la rivière Gatineau puis le Cabonga, immense lac réservoir.
Les plages ne manquent pas pour y faire une pause pique-nique.
Ici aussi, il ne faut pas aller très loin pour retrouver ces grands espaces sauvages.
Treizième jour.
Dernier jour d’hydravion, on va célébrer ça par un repas au château de Montebello, l’hôtel, très chic sur la rivière Outaouais qui servait de relais sur la ligne de chemin de fer vers la côte Ouest.
-"Piting ! Vous ne vous privez de rien, là !"
L’été, la marina est bondée de bateaux les plus luxueux les uns que les autres et l’hôtel a hébergé un G6 (ou7 ?) dans les années 80.
Il y a un quai pour les hydravions et bien entendu gratuit, par contre les amis qui nous ont rejoint en voiture trouvent un peu rudes les 4 dollars la demi-heure de parking.
Sur le chemin du retour, on fait quelques pauses pour profiter des couleurs d’automne extraordinairement belles sur le lac Papineau, puis quelques posés-décollés sur la rivière Rouge.
Les golfeurs du terrain voisin ont dû se demander ce que pouvait bien faire cet hydravion sur le redan qui circulait dans les méandres de la rivière.
En posant l’avion une dernière fois, je ne peux pas m’empêcher de penser qu’il va falloir attendre un an ou deux pour retrouver cette liberté immense de voler au Canada.
En attendant il va falloir se réhabituer aux roues.
Quatorzième jour.
Retour vers l'Europe...
Si vous aimez raconter votre vie et vos intentions à la radio, payer des taxes d’atterrissage, vous demander toutes les deux minutes dans quel espace aérien vous allez rentrer et quelle sera la fréquence suivante que vous allez devoir contacter, vous demander si vous êtes bien sur SW1 en route vers S à moins que ce ne soit SW2, pitonner votre téléphone portable dix fois par jours pour appeler votre blonde ou votre secrétaire, si vous aimez vous débattre avec les cartes d’approches et à l’arrivée vous faire souffler dans les bronches parce que vous n’avez pas fait vent arrière à 2.240 pieds, tourner en base entre la piscine et le clocher de l’église après avoir fait un huit entre les deux mélèzes, si l’idée de faire un atterrissage d’urgence à plus de cinq minutes d’une région habitée vous effraie, si vous aimez jouer les commandants de bord à la terrasse du café de l’aéroport pendant quelqu’un fait le plein de votre avion, si vous aimez tout ça alors les hydravions ne sont pas pour vous ; par contre si vous aimez une radio qui reste silencieuse pendant des heures, réinventer les approches et les départs à chaque atterrissages, savoir que droit devant vous vous êtes en espace G ou E pour les 1000 ou 2000 miles suivants, les moustiques et les ours ne vous dérangent pas, ni vous parfumer à l’essence en faisant le plein avec des bidons, savoir que si vous avez un problème on mettra des jours pour vous retrouver (si on essaie même de vous chercher), si vous aimez camper et pêcher dans la nature sauvage, si vous aimez tout ça alors essayez l’hydravion, mais attention une fois contaminé il n’y a pas de traitement connu....
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